Aime-moi Mamour

IL EST NE, LE DIVIN ENFANT, JOUEZ HAUT-BOIS, RESONNEZ MUSETTE !

J'ai déjà connu un certain nombre de très grandes joies dans ma vie, cœur presque arrêté, comme ce fut le cas par exemple, pour la naissance de Marie-Christine...

Mais, jamais joie aussi intense que celle du moment où j'ai tenu dans mes mains, pour la première fois, mon petit garçon, espoir de ma lignée !

Incomparable sentiment d'achèvement et d'orgueil !

De certitude que je ferai de ce petit enfant, un être tout à fait exceptionnel, qui me consolerait de tous mes échecs et de mes déceptions passées !

Un garçon ! Un garçon ! Merci mon Dieu ! Dix mille fois merci !

Désormais, peu m'importe de devoir renoncer à avoir une famille nombreuse en raison de mon état pulmonaire : Ma succession masculine est assurée !

Et Marie-Christine ne sera pas un enfant unique !

Je serre contre moi mon petit mouton de femme auquel je dois ce bonheur unique et parfait. Je la regarde comme si je la voyais pour la première fois : Emerveillé ! Eperdu de reconnaissance et d'amour !

Combien je t'ai alors aimée, ma jolie, douce et parfaite épouse ! Tu ne t'en es sans doute jamais doutée ! Tu n'y aurais peut-être même pas cru !

Et pourtant, c'est vrai : En me donnant un fils, tu étais devenue la plus exceptionnelle, la plus aimée et la plus belle de toutes les femmes du monde ! Tu aurais pu alors me demander n'importe quoi, la lune ! j'aurais fait l'impossible pour te la donner !

Dès ce jour du 12 mars 1952, le monde, pour moi, a trouvé sa signification : J'ai un fils ! Et puisqu'il triomphera partout où je n’avais pas su réussir, qu'il sera brillant là où je n'avais été que terne, il portera mon prénom, Maurice !

Pour se substituer à moi. Me prolonger dans le succès. Fonder, le jour venu, cette belle et grande famille que je n’ai pu moi-même avoir, riche de garçons qui perpétueront mon nom. Une véritable dynastie de Maurice par les aînés : Maurice II, III, IV... Assurant ma pérennité et presque mon immortalité !

Maintenant, à moi de jouer ! A nous deux, la vie ! Avec toi à mes côtés, ma petite femme chérie !


Dès lors, notre combat - car ce sera un véritable combat - changera d'âme. Car nous avions un but : L’avenir de nos deux enfants !

Mais pour l’immédiat, compte tenu de tous mes projets à réaliser dans l’urgence, mon petit garçon sera provisoirement mis en nourrice chez la sœur de Wanda, la dévouée Victa.

Car si le magasin et l’atelier de la rue Bollaert sont bien en état de marche, il me faut maintenant réaliser l'aménagement de l’appartement du premier étage, pour nous y installer ensuite, en libérant la maison de la fosse »11 ».

Ainsi mes parents pourront ensuite y emménager, et une fois installés, prendre avec eux Marie-Christine. Ce qui nous permettra d’établir une vie familiale relativement satisfaisante, mon garçon restant encore confié aux soins de sa tante Victa.

Et tout cela grâce à l'engagement total de mon père et de ma mère ! Je n'oublierai jamais leur abnégation et leur dévouement, en ces années cruciales de notre vie !

Années de travail acharné !

Travail programmé et ambitieux. Car dès maintenant, j’ai décidé de passer de l’actuel petit atelier de confection courante, à une flatteuse entreprise de « couture et mode féminine », reconnue et réputée !

Cela n'ira pas sans heurts, sans sacrifices ni pleurs... Mais, à aucun moment ma volonté ne faiblira. Je me suis fixé un but : Assurer une situation sociale notoire à mes deux enfants, dans une aisance exceptionnelle !

Mériterai-je que Dieu favorise mon entreprise ? Si non, j’aurais eu au moins le mérite de l'avoir tenté.

Temps heureux d'un couple parfaitement uni et amoureux, accordé charnellement et spirituellement. Attelé dans la joie vers les mêmes horizons. Années bénies dont je me souviendrai toujours avec nostalgie.

Nous marchons, mari et femme, main dans la main, du même pas, les yeux fixés sur un même avenir de promesses.

Et maintenant que j'ai retrouvé une partie de mes moyens physiques, toute mon imagination fonctionne à plein régime. Volonté bandée.

Toujours animé par le rêve perfectionniste d’un Pygmalion qui réalise que son épouse pourrait encore faire beaucoup de progrès. Car je suis redevenu moi-même, c'est à dire souvent insatisfait et toujours exigeant !

Oui, je suis convaincu que ma docile épouse pourrait « faire » et « être » encore mieux ! Devenir une femme d'exception !

Je ne doute pas un instant qu'elle puisse y parvenir, et je vais donc entreprendre de la façonner selon mes voeux. Entreprise difficile et de longue haleine.

Mais saurai-je, en cas d'échec partiel, me souvenir qu'elle n'était pas préparée - en raison de ses origines - au rôle que je veux maintenant lui faire jouer ? Que pendant trois ans elle m'a soigné avec une abnégation totale, acceptant pour servir mes ambitions, de se priver du bonheur d’élever elle même ses enfants ?

Aujourd’hui, dans le feu de l’action, ces scrupules m’effleurent à peine… Ma machine est lancée : Je veux tout !

Une femme directrice d'atelier, modéliste, coupeuse, responsable de fabrication.

Une hôtesse de maison qui m’assure un intérieur pimpant, et capable de recevoir avec mondanité mes invités.

Une femme soignée et élégante sur laquelle les hommes se retournent.

Et le soir, une épouse amoureuse et ardente comme une maîtresse !

Pas un instant je n'imagine que c'est beaucoup demander à une seule femme, même exceptionnelle...

Egoïstement, il s’en suivra que je serai fort contrarié chaque fois qu’elle manquera à l’une de ces obligations... Heureusement, sa vigueur polonaise et le désir de me satisfaire qui l’animent, lui permettront généralement d’assumer honorablement ses différents rôles.

Je nage dans le bonheur ! Entre mes mains, ma chère épouse embellit encore, devient élégante. Bien coiffée, bien habillée, discrètement maquillée, avec son beau sourire et son entrain naturel, elle est en passe de devenir celle que je souhaite !

J’en suis très amoureux, et le lui prouve.


Maintenant que mes parents sont à Lens, mes enfants ont un foyer presque normal. Bien épaulé par mon jeune comptable Robert Hénin, et bien qu’encore prudent en ce qui concerne ma santé, mon esprit bouillonne de projets.

L’avenir, après de si sombres années, se colore de rose.

Oui, maintenant, je peux rêver à des lendemains heureux. Avec l’organisation de la rue Bollaert et sa formule «magasin de ville plus atelier et appartement », je sais désormais, que même si je rechutais et devais séjourner en sanatorium, ou pire encore -la tuberculose pardonnant rarement lors d’une réinfection - que je vienne à décéder, la vie matérielle de ma petite famille serait facilement assurée, je peux donc me risquer à entreprendre hardiment.

Entreprendre ? C’est ma vocation !

Il est né le divin enfant...

Circulation automobile à Lens - gare et place de l'église - en 1950

Il est né le divin enfant.

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Maurice NONET
Dernière modification le : February 27 2007 17:32:16.
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