Un fils unique d'après guerre (1920 - 1939)

Vers le 3 septembre 1939.

Les événements poursuivent leur marche fatidique. La folie orgueilleuse d’un homme tout puissant, enivré de succès et qui ne sait plus s’arrêter, va rendre inévitable la plus grande catastrophe de tous les temps!


Hitler en effet, le 30 juillet, a tourné ses appétits sur les provinces de langue allemande de la Pologne. Symboliquement sur Dantzig, seul port polonais, poumon de ce pays sur la Mer Baltique. De plus, un «couloir» du même nom isole de la grande Allemagne la Prusse, berceau de l’ancien royaume du Roi Frédéric. Dangereuse fantaisie géographique due aux conditions particulières du Traité de Versailles qui, par cette mesure, avait voulu «punir» cette province traditionnellement militariste.

Or, l’intégrité territoriale de la Pologne est solennellement garantie par la Grande-Bretagne. De plus, la France entretient avec ce pays, des relations particulièrement fortes, historiques et sentimentales. Enfin, nous avons pris l’engagement d’être solidaires de la Grande-Bretagne.

Le 31 août, Hitler, dont l’armée dispose d’un million et demi d’hommes sur pied de guerre, de six divisions de blindés ( 3200 chars ) et de 2500 avions, somme le gouvernement polonais de livrer la ville de Dantzig et son couloir, sous peine d’invasion militaire !

Le revolver d’une nouvelle guerre est armé, et la moindre pression sur la gâchette va déclencher la déflagration !


Traumatisée par l’échec des négociations qui avaient laissé espérer une alliance avec l’U.R.S.S. qui aurait reconstitué, contre l’Allemagne nazie, la triple alliance de 1914, et par le coup de poignard du traité de non agression militaire doublé d’un pacte d’accord commercial et d’aide réciproque signé entre l’Allemagne et le pays des soviets, la France et la Grande Bretagne redoutant un déséquilibre des forces en présence de ce fait, décident par réflexe une mobilisation partielle le 23 août !

Inquiète, et revenue de ses illusions neutralistes, se souvenant d’août août 1914, la Belgique prend à son tour les armes, et décrète la mobilisation générale le 26.

C’est alors que le 29 août, Hitler, assuré de la couardise de ses adversaires - n’avaient-ils pas déjà capitulé il y a un an à propos de la Tchécoslovaquie, à Munich ? Alors pourquoi feraient-ils la guerre pour Dantzig ? - lance un ultimatum à la Pologne.

Forte de ses alliances avec la France et la Grande-Bretagne, en réponse, courageusement Pologne décrète la mobilisation générale.


C'est dans ce climat de pesante anxiété, que le soir du 2 septembre 1939, comme chaque soir après le travail, je me rends à la S.N.H.S., pour la séance d'entraînement d'aviron habituelle...

Il fait idéalement beau, pas un souffle de vent. Les quatre rameurs de l'outrigger" dont je fais partie frappent l'eau de leurs avirons en cadence parfaite, projetant rapidement en arrière par de puissantes saccades, le long et fin bateau qui fend l'onde dans un crissement de tissu.

L'effort, le rythme, l'esprit d'équipe, la sérénité du décor, calment, apaisent peu à peu mon esprit. La puissance du bonheur de vivre, d'être jeune, d’être aimé et d’aimer, m’étreint d’enchantement !

A trois kilomètres en aval de Juvisy, nous avions fait demi-tour pour rentrer. En descente du cours de l’eau, la vitesse est plus vive, l'effort plus léger. Dans la douceur de la soirée d’un proche automne, les berges feuillues défilent, tandis que le ciel et l'eau s’incendient des couleurs du soleil couchant.

Tant de beauté m’inonde le cœur d'une joie tranquille. Que les angoisses du monde sont loin ! D'autant que nous parvient, portées par la brise, les notes mélancoliques du beau tango si souvent dansé corps contre corps avec ma tendre Clotilde :

-"Violetta, chère idole,

Si je chante, c’est pour toi...

Soudain, alors que nous sommes en vue du ponton, nous voyons à contre-jour la silhouette du gardien de la S.N.H.S. dont les bras s'agitent comme des sémaphores. Brutalement, sa forte voix nous parvient :

-"Rentrez vite les garçons, la guerre est déclarée !

Contraste déchirant entre la sérénité parfaite d'un paysage romantique, et l'annonce du déclenchement d'un drame épouvantable !


C'est la guerre en effet ! Depuis quelques minutes la radio appelle à la mobilisation générale. Quelques heures plus tard, les murs se couvrent d'affiches frappées de deux drapeaux tricolores, confirmant la nouvelle.

Déjà à l'Est, en Pologne, les divisions blindées motorisées d'Hitler foncent sur Dantzig. La Grande Bretagne, puis la France quelques heures plus tard, déclarent la guerre à l'Allemagne.

Le destin s'accomplit en cette lumineuse soirée d’automne: On est le 3 septembre 1939, date historique.

Le spectre hideux de la guerre, entre la France et l’Allemagne, vient de se dresser pour la troisième fois en quatre générations. Le sort et la liberté du monde vont être en balance.

Une ère nouvelle commence où l’Europe d'aujourd'hui ne se reconnaîtra peut être plus demain...
Violetta (Tango)

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Maurice NONET
Dernière modification le : March 02 2007 13:27:58.
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