Chers enfants,

Chers petits enfants,

Chers arrières, et qui sait ? arrières, arrières petits enfants...

C'est d'abord à vous que j'ai pensé. C'est pour vous que j'ai écrit ces lignes. Parce que c'est votre histoire. Parce que ce sont les événements qui ont dû se produire pour qu'un jour vous naissiez. Parce que c'est votre propre histoire.

Et puis j'ai pensé aussi à ceux qui, de près ou de loin, s'intéresseront à l'histoire d'une souche familiale, la vôtre, et celle des gens qui vous ont donné la vie.

Depuis le décès de mon père en 1952 et celui de ma mère trente ans plus tard, chaque semaine je vais me recueillir régulièrement sur leur tombe. Moments où je les retrouve pleinement.

Pourtant je considère comme une fatalité malheureuse le lieu de leur sépulture : Cet ingrat et étranger cimetière de la fosse « 9 » de Lens... Même si les trois thuyas que j'y ai plantés il y a vingt-cinq ans, l'ombragent pieusement, et si le simple monument de granit rose des Vosges avec ses jardinières toujours fleuries, la distingue des autres tombes...

Alors me direz-vous, pourquoi ai-je décidé l'écriture de «Racines »?

Pendant les premières années qui suivirent la mort de mon père, la force de mes remords envers lui était telle que je n'avais aucune difficulté à vivre en parfaite communion avec lui l'espace de quelques minutes. Je l'avais si mal aimé de son vivant !

Puis le temps passant, au fur et à mesure de mes visites, cela devient plus machinal... Je me surprenais à poursuivre mes pensées du moment, au lieu de me consacrer à son souvenir. Je devais faire un effort de concentration pour retrouver certains souvenirs de sa vie. Ma mémoire devenait oublieuse !

Il en fut de même trente ans plus tard, après la mort de ma mère...

Je veux interrompre cette fatalité de l'oubli.

Souhaitant qu'à un certain moment de sa vie, l'un de vous prenne le relais, pour que, de génération en génération, la trace de notre histoire se perpétue avec attendrissement au fil du temps.

J'ai donc décidé que vous, mes enfants et peut-être plus encore vous mes petits-enfants, arrières et arrières petits enfants, ayez la possibilité de retrouver dans ces pages, la mémoire de ce qu'a été la vie de vos ancêtres...

Tout ce que je sais, tout ce que j'ai pu découvrir sur eux, est là, dans les quelques feuillets qui vont suivre.

Oui chers enfants et chers petits-enfants, par votre seule présence, vous me prouvez que ma vie et celle de mon épouse ont eu un sens : Vous existez !

Soyez indulgents et compréhensifs en lisant ces lignes d'un écrivain d'occasion, qui parle avec son coeur.

Je dédicace aussi ces quelques pages à la mémoire de mes parents. Je les remercie de m'avoir donné la vie.