Racines

POST– SCRIPTUM.

Lorsqu'en fin de cet ouvrage, j'évoquais l'espoir que mes enfants, en raison de leur relative jeunesse en 1987, me donneraient un héritier de plus, sincèrement, je n'y croyais guère...

Et pourtant, la providence devait me combler !

Successivement, mon fils m'offrira non pas un successeur de plus, mais deux ! Une petite Marie née le 14 avril 1991, puis, bonheur suprême, un héritier mâle de mon nom : Nicolas, le18 mars 1998 !

Merci mon Dieu, trois fois merci !

Tout est bien ainsi.


Pourtant, parcourant les quelques deux cent cinquante pages du récit de ce que j'ai pu savoir ou me souvenir de ma saga familiale, je ne peux me défendre de certains doutes et scrupules...

Ai-je vraiment transmit l'authenticité de la vie de mes ancêtres ?

Du côté de mon père, hélas, personne ne peut l'attester, tous les témoins de cette époque ont malheureusement disparu.

Il n'en est pas de même, Dieu merci, pour ma branche maternelle...

J'ai donc prié mes demi tantes nées Henriot, Monette – devenue madame Laurent Pérette -, et Annie – madame Roger Brickler -, de lire attentivement l'exemplaire de mon livre « Racine », que le leur avait préalablement transmis, afin de comparer leurs mémoires à la mienne.

Du côte Pérette, Jean Marie, le fils de Monette - personnage remarquable, posé, et doté d'une mémoire redoutable, lui même passionné de généalogie et de l'histoire de Crévic -, avait le privilège incomparable d'avoir eu un père et un grand père ayant toujours vécu dans notre village natal ! Mieux encore, les Pérette en étaient l'une des familles les plus anciennes du village, et de plus, de celle dont était issue ma propre grand mère maternelle !

Quant à la chaleureuse famille Roger Brickler qui avait eu également l'occasion de prendre connaissance de mon livre, elle était, tout autant que la famille Pérette, en mesure de juger de l'authenticité de mon récit. De plus, Roger, homme exceptionnel de probité et au passé militaire héroïque pendant la guerre 1939 – 1944, avait un temps partagé la vie de mon grand père « Jules » et de son épouse Augustine. Quant à Annie, elle avait vécu les mêmes souvenirs que sa sœur Monette. Leur jugement serait donc particulièrement précieux.

Je priais donc tous ces témoins de me faire part de leurs observations sur l'authenticité de mes souvenirs personnels, sur Crévic, et sur « l'histoire du Jules Henriot et Augustine », tels que je les avais contés.


Quelques temps plus tard, je reçu les deux lettres ci dessous, en provenance des familles Pérette .


Lettre Jean Marie Pérette, du 1 08 1998.


« Cher Maurice,

« Nous avons rassemblé avec maman, les principales observations, souvenirs, compléments, que nous pouvions faire à partir des notes puisées sur le livre de généalogie que tu nous a prêté.

Jean Marie Pérette


Voici donc les remarques et observations contenues dans cette lettre de ma demi tante Monette (née Monique Henriot), mère de J. M. Pérette, paragraphe par paragraphe ( en caractères droits), et ma réponse, (en italiques). Les numéros de pages correspondent à celles du livre « RACINES » en référence, tel qu'il était en décembre 1987, et tel que je l'ai transmis à mes deux enfants Marie Christine et Maurice.


« Page 13 -« Il ne reste qu'un seul Nonet... Et le petit Nicolas ?

Bien sur... Mais il est né en 1998, alors que mon texte a été écrit en 1987 – 1988 !


« ...cela me semblait si drôle que ton père ait une si grande admiration pour le canal, et son grand nombre de mariniers...

Parce qu'il pensait sans doute à l'une de ses lointains grand mère Gardereau, marinière sur une « gabarre », vers les années1800 !


« Page 22 ...ascendant... « Favelin » ?

Exact, c'est une erreur.


« Page 55. D'après mes souvenirs, les dates me laissent pensives... Mais pour Jean Marie, elles sont bonnes.

Dont acte.


« Pages 57. La phrase que mon père aurait dite à propos de son service militaire :

« On m'avait offert de signer un réengagement, mais durant mon temps de service obligatoire, que je terminais comme « Maréchal des logis », je fus plusieurs fois puni et mis « au trou » pour désobéissance, mais surtout pour escapade de nuit... Aussi, voulant retrouver ma liberté, ma réponse fut « Non ! ». J'aimais mieux mes couteaux et mon tablier, ainsi que la vie libre !

Contradiction... Pourtant je suis convaincu me souvenir, au travers des récits de ma mère, que son réengagement avait été motivé par son refus de porter assistance à sa belle mère qui lui avait « volé ses billes » quand il était jeune ! Cette version avait été confirmée par ma tante Laurence lors de ses récits .


« Page 58. Nous avions bien des vergers... Mais l'entendre, de ceux ci, hurler après ses commis ! D'ailleurs, hélas, mes parents n'avaient pas de commis. C'est ma mère qui faisait le commis, et mon père était souvent exigeant, et ses colères souvent très dures !

Alors, il devait hurler après ta mère au cours d'une de ces fameuses colères ! En réalité, j'ai peut être un peu affabulé...


« Périodes où mon père était boucher à Crévic avec Marie Royer, ta grand mère, (je pense): 1996, (tu veux sans doute dire 1896) à 1910. Puis, 1921 à 1930, avec ma mère.

Exact.

« Je ne sais vraiment pas où monsieur Najean lui confia la direction de sa boucherie...

Je n'ai pas, moi non plus, de preuve formelle.


« Page 62. ..... qu'il soit embauché comme chef responsable boucher à « la Lorraine », poste important pour l'époque... c'est vrai... Mais il n'avait pas plus de 15 à 20 employés.

Tu as sans doute raison.


« Page 63.

« Sa seconde femme, Marie Royer, est bien morte en 1910. Mais il ne faut pas dire plus qu'il n'en faut (sur les causes de sa mort). Jules Henriot était un homme dur, mais à cette époque, une congestion pulmonaire était fatale.

Tu as raison


« Les dates sur monsieur Royer sont elles bonnes ?

Je le pense, jusqu'à preuve du contraire...


« Page 67. Je n'ai pas su que la grand mère Royer faisait de la broderie de Lunéville...

C'est pourtant exact : ma mère avait d'ailleurs conservé son métier à dentelle.


« Page 71. Notre maison rue de l'Eglise, a été achetée vers 1909 –1910.

Enregistré


« J'ignorais cette histoire avec madame X... (Peut être madame S (?) sous les plus extrêmes réserves !). Pourtant son mari Charles Simonin était très bien avec mon père. ( note manuscrite de Jean Marie : « Ce ne peut être que madame Simonin, qui, sa maison étant brûlée, a logé chez le grand père Jules... J'aimerai en savoir plus sur ce point.)

Pas de commentaires. A la place de la lettre « S », j'aurais du mettre « X ».Ce que je fais immédiatement.


« Page 73. L'histoire des listes électorales... A voir.

Oui. A voir... Un peu trop western !


« Page 77. L'histoire du voleur sous le lit. C'était en 1923, chez la famille Beydon. Monsieur B. avait eu sa paie de l'usine. Il travaillait de nuit. Son épouse, en allant coucher leur troisième enfant, voit sous le lit, des pieds... Elle court après son mari, qui, après l'avoir constaté, va chercher le « Jules » et un voisin. Le Jules, avec sa force, déplace le lit, et trouve un collègue de Monsieur Beydon ! Il fut copieusement passé à tabac, car le Jules n'était pas tendre ! Il fut ensuite enfermé dans un local où était rangée la pompe à incendie, en attendant les gendarmes. Ils vinrent le lendemain, mais l'oiseau s'était envolé ! Il y avait au dessus de la porte des petits carreaux par lesquels, avec bien des contorsions, il avait pu sortir...

Précisions enregistrée.


« Page 205. Jules, après son remariage avec Augustine, n'a pas changé... C'est son épouse qui se tait, pour ne pas faire étalage de la dureté de son mari, et pour ne pas faire peur à ses enfants. Mais elle reste ferme dans ses convictions. Il aurait voulu continuer sa vie libre. Mais ayant quitté sa place à « La Lorraine (la coopérative Solvay) », ayant eu des discussions avec le nouveau directeur, il n'y a plus d'argent à la maison... Devant la perspective d'une nouvelle naissance (Annie), il loue la boucherie (de Crévic) à monsieur Desgranges qui l'avait rachetée à la mort de Marie Royer. En 1921, il redevient, à 53 ans, le boucher de Crévic.

C'est bien.


« Jules, devant son gendre Fernand, adopte un mode de vie sage et poli. Il sait ce qu'il fait.

« Comment Augustine avait elle pu résister à cette vie ? Elle avait le recours de la foi dans la religion, et du devoir accompli.

D'accord.


« L'abbé Laval était respecté du Jules. Il était son conscrit et il était de la rue de l'Eglise. Il ne lui rendait pas visite, mais lui causait à l'occasion.

Bien, noté.


« Page 208. La boucherie n'était pas sur la place, mais 5 rue de l'Eglise.

Exact, erreur de plume.


« Page 209. Pas de pantalon blanc rayé bleu, mais de coutil bleu ou noir en été, en drap l'hiver, gris ou marron. Une veste à poches en toile et un tablier bleu pour tous les gros travaux, seulement blanc pour la vente et toujours relevé sur le côté. Les couteaux sont posés sur l'étal, et parfois le fusil à côté. Un foulard au cou, noir et gris, parfois marine et blanc. Jamais rouge. Les manches souvent retroussées. Sa tenue pour l'abattoir, pantalon de drap et sabots : à ce moment là, les bottes n'existaient pas.

Tu as une meilleure mémoire,que moi ...


« Page 211. Avant de vider le cochon, il fallait l'ébouillanter pour enlever toutes les soies, nettoyer la bête avant de l'ouvrir. Ensuite il fallait attendre le passage du vétérinaire, monsieur Bitche, avant de mettre la viande sur l'étal.

Merci, Monette, de ces précisions.


« ...Pas de glacière, mais un grand garde manger avec un fin grillage qui empêchait les mouches de pénétrer : il n'y avait pas encore d'électricité...

Une glacière refroidie avec des pains de glace, n'a pas besoin d'électricité !


« Page 209. Couteau main droite, fusil main gauche. C'est le couteau qui glisse sur le fusil !

Tu es bien placée pourle savoir. Autant pour moi.


« Page 210. L'abbé Laval meurt en 1948. Une anecdote : madame Laval, mère de monsieur le curé, cliente de la boucherie, était toujours d'accord avec le Jules qui la servait si bien...

-« Victor ( c'était le prénom du curé), disait elle, vous remercie.

Ce à quoi mon père répondait :

-« Il faut me faire confiance, je ne donne que du bon !

Noté.


« Page 215. Tu racontes la querelle au cours de laquelle le grand père casse toute la vaisselle qui était sur la table. Augustine, paraît il, casse celle qui était sur l'évier... Fou de rage devant la résistance, le père s'avance sur son épouse... Mais Monette se place entre eux deux, et le menace de ses petits poings en disant :

-« Méchant papa !

« Sidéré mais vaincu, il part dans la chambre derrière, où il appelle Monette et toi. A notre grande surprise, il nous donne quatre pièces de cinq francs en argent, et un louis d'or...

« Tu dois confondre avec un récit de ta mère... Je sais que du temps de Marie Royer, souvent les discussions étaient vives... Avec ma mère, qui ne répondait pas, la vie semblait plus calme. Mais à quel prix!

« Après la guerre de 1914, il n'y avait plus de pièces d'argent dans le commerce, et encore moins des louis d'or. Seulement des billets.

Non, il s'agit bien d'un souvenir personnel... Quant aux pièces d'argent, si elles étaient retirées de la circulation, il n'empêche que le grand père en avait conservé, en vrac, dans une boite en fer ayant contenu des biscuits. Pour le louis d'or, maintenant que tu m'y fait réfléchir, j'en suis moins sur.


« Je ne me souviens pas de l'accident survenu à mon père en 1950... Il avait tellement peur de mourir qu'il aurait fait venir le médecin. Il disait :

-« Si je connaissait un pays où l'on ne mourrait pas, j'y partirait à pied !

« Son état de santé à 62 ans n'était pas brillant. C'est pour cela qu'il abandonne la boucherie en janvier 1930.

A la date exacte près, le grand père a bien été mordu par une truie, et, pour le moins, très mal soigné. Il lui resta de cet accident une raideur de la jambe qui l'obligeait à s'aider d'une canne pour marcher. Tu dois te souvenir de cela.


« Page 219. L'histoire du poisson... Sans doute du temps de Marie Royer. Mon père n'allait plus à la pêche, et il fallait l'aider à s'habiller. Ma mère n'aurait pas permis qu'il mette un poisson dans sa poche, car elle avait beaucoup de soin pour garder ses vêtements propres.

En 1931, le temps de l'Exposition Coloniale, le grand père passait le plus clair de son temps à la pêche...Les gaulles se trouvaient dans le grand couloir, et, pendant les vacances, il partait souvent avec mon père pour la rivière, matin et après midi : tu dois t'en souvenir !

Et l'histoire de l'anguille est exacte.


Annie, la seconde fille de mon grand père et Roger Brickler son mari, chargèrent leur fille, Marie Jeanne, Directrice d'école à Marseille, de me transmettre leurs sentiment.

Contradictoirement aux nombreuses observations écrites de Monette, ils exprimaient leur adhésion générale à mon récit.

Je pense néanmoins que la lecture de mon document avait suscité de leur part un certain nombre de réserves... Mais leur compréhension de l'esprit du texte, et leur extrême gentillesse naturelle, les avaient incités à s'abstenir de toutes observations...


Donc, finalement, à des détails de souvenance près, dans sa généralité, mon texte « Racines » avait reçu l'aval des principaux témoins vivants de ma famille maternelle.

De là à penser que celui de l'histoire de ma famille paternelle était exacte également à quelques traits et omissions près, il n'y avait qu'un pas.

Je décidais donc de le franchir, et de prendre le risque et l'entière responsabilité de transmettre, tel quel, le présent document.

Toutefois, je suis parfaitement conscient qu'il est imparfait. Que je n'ai pas échappé à la tentation de parfois « romancer » certains épisodes... Peut être même parfois, de m'être laissé aller à quelques « inventions »...

Pourtant, je suis intimement convaincu de ma bonne foi, et de ne jamais avoir trahi l'essentiel de l'authenticité de l'histoire de mes ancêtres, telle que je l'avais perçue au travers de mes souvenirs, et grâce aux documents que j'ai pu réunir.

Ces pages n'ont pas la rigueur du travail d'un véritable historien. Elles sont celles d'un petit fils affectueux, qui a voulu reconstituer et transmettre la saga de sa famille.

Tout simplement, et avec la mémoire de son cœur !

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Maurice NONET
Dernière modification le : January 31 2007 19:15:02.
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