Racines

UNE AUTRE CONVERGENCE

En décembre 1918, nouvellement démobilisé, Andrei rejoint à Pakocze sa jeune femme Stanislawa et ses enfants. C'est le bonheur absolu !

Mais hélas, en Pologne, comme dans tous les pays d'Europe qui viennent de retrouver la paix, on ne sait que faire de tous ces hommes rendus à la vie civile. Là aussi, la guerre n'a laissé que ruines et désolations. Le chômage est général. Andrei avec sa modeste solde de démobilisé, a tout juste de quoi faire survivre sa petite famille.

Entre temps, les grands de ce monde se sont attelés à signer des traités qui prétendront résoudre pour longtemps tous les problèmes européens...

Celui de Saint Germain, en septembre 1919, a redonné à la Pologne ses frontières de 1772. Ainsi, après un siècle et demi d'oppression, ce pays est à nouveau une nation indépendante ! Mais cela ne résout pas pour autant les problèmes économiques de ce pays.

Quant à Andrei, il est de plus en plus inquiet pour l'avenir. A nouveau il se trouve contraint d'envisager de partir pour l'étranger. Justement, en 1920, son frère qui a décidé d'émigrer vers la France, lui propose de l'imiter.

C'est ainsi que l'année suivante, en 1921, Andrei fait à son tour une demande d'immigration vers la France, en qualité de « houilleur ». Elle est acceptée. Quelques mois plus tard, il est affecté aux Mines du Pas-de-Calais. Il s'y rend d'abord seul, en attendant d'être assuré de pouvoir loger avec sa petite famille.

Coïncidence incroyable, il se trouve précisément embauché à la Société Houillère de Liévin, à la fosse 5 de Calonne, au pied des collines de Lorette, là où il s'est vaillamment battu en 1915 contre le 125ème R.I. de Poitiers !

Quelle extraordinaire et incroyable coïncidence!


En octobre 1921, Stanislawa met au monde une jolie petite fille, Wanda, à Jalinowo, petite ville voisine de Pakocze où elle subsiste difficilement. Finalement, après avoir beaucoup hésité, convaincue de l'impossibilité de vivre décemment dans son pays d'origine, elle décide d'aller retrouver son mari en France.

Andrei, qui réclamait sa venue dans chacune de ses lettres, est au comble du bonheur !

Toutes les formalités administratives remplies, Stanislawa rassemble son mince bagage - autant de kilos qu'elle est autorisée à emporter - et prend le train pour le port redevenu polonais, de Dantzig. Par précaution, dans le dos de chaque enfant elle a cousu un morceau de calicot portant son nom et sa destination.

Ils embarquent enfin pour Le Havre avec tout un contingent d'émigrants, sur un vieux cargo à vapeur, véritable "May Flower" du XXème siècle !

Suivra ensuite un lent et éprouvant trajet en chemin de fer du Havre à Lens, ville totalement détruite, qui ne montre encore que désolation et ruines...

Elle gardera toujours dans son coeur le souvenir du sentiment d'angoisse et d'inquiétude qui la saisit alors, devant tant de dévastations ! Enfin elle arrive à Calonne où l'attend, ému et ravi, son mari Andrei. Il la conduit à leur futur domicile : Un simple baraquement provisoire


La France - qui a un vital besoin de charbon pour son industrie - a entrepris un prodigieux effort de reconstruction des villes du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, et de son outillage d'extraction. Rapidement, cette région va revivre, tant sont énormes les besoins en énergie. Le paysage se transforme rapidement.

Partout sévit une frénésie de bâtir, d'édifier. Comme par magie naissent des usines, des ateliers et des habitations. D'innombrables cheminées d'usines neuves s'élancent vers le ciel. De nouveaux chevalements de mines dressent leurs carcasses métalliques surmontées de deux grandes roues, au centre de toutes nouvelles citées ouvrières.

Ce sera le cas de la fosse N° 5 de Calonne.

Bientôt, une pimpante maison de coron, avec un petit jardin, sera attribuée à la famille d'Andrei, riche déjà de cinq enfants.

Ainsi les jeux de la fatalité sont noués !

Par suite d'un incroyable concours de circonstances que seule une guerre mondiale qui a brassé des millions de familles, a rendu possible, la famille polonaise Czerzniak a pris racine en France dans cette maison de Calonne de la fosse , sous Lorette, maison qu'elle ne quittera qu'à l'heure de leur mort.

Le 18 août 1935, Andrei et Stanislawa, ainsi que leurs sept enfants dont les deux dernièrs nés, Wanda et Franeck, seront naturalisés français par décret signé du Président de la République de l'époque, Monsieur Albert Lebrun.

Andréi er Stanislawa mourront sur cette terre d'adoption quelques cinquante ans plus tard, pleurés par une nombreuse descendance d'enfants, petits-enfants et mêmes arrière-petits-enfants !

Tous, parfaitement assimilés, et devenus de parfaits Français, de coeur et d'esprit.

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Maurice NONET
Dernière modification le : January 31 2007 19:16:02.
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