Aime-moi Mamour

LE BRADAGE DE NOTRE ALGERIE !

Pendant que je me débattais avec mes problèmes financiers, des événements historiques considérables se sont déroulée entre la métropole et notre Algérie française...

Quatre années néfastes, de 1959 à 1962, qui ont ruiné notre glorieuse épopée coloniale commencée en 1830, et qui s'achèveront sur un drame dont je percevrai la conclusion comme une mutilation du territoire national, celui que nous avait légué nos pères et grands pères !

Que je ressentirai comme une déchirure. Un "bradage" d’une partie de notre tissu national !

Cela mérite que l'on revienne sur la chronologie de son déroulement, à partir des premiers mois de 1959.

A partir de cette date, le sort des armes contre la rébellion, nous était enfin favorable : Les offensives du Général Challes avaient démantelé leurs unités. Alger était tenue en main par les hommes du Général Massu. La ligne électrifiée Morice annulait les infiltrations tunisiennes. Et ce qui restait de l'armée FLN, réfugiée au pays de Bourguiba, elle était devenue de ce fait inopérante.

L'insurrection désespérait… Les ralliements se multipliaient...

Mais, alors que la victoire était au bout de nos fusils sur le terrain, on percevait un flottement des volontés au niveau politique parisien ! Et même de la part de celui dont on avait tant espéré : le Général de Gaulle !

Ce même De Gaulle, qui, à Alger, avait proclamé devant une foule immense :

- "Français, je vous ai compris !

Et qui quelques mois plus tard, prononcera ces mots inquiétants :

-"L'Algérie de papa est morte !

Au cours de l’été, il entreprendra de visiter sur le terrain toutes les unités de notre corps expéditionnaire. Ce sera la "tournée des popotes".

Il y tiendra des propos décevants qui ne tiennent pas compte des succès militaires obtenus sur place. Vagues, contradictoires, sibyllins et bien dans son style...

Pourtant il proclamera aussi, solennellement :

-"Moi, vivant, jamais le drapeau FLN ne flottera sur Alger !

Or, paradoxalement, le 16 septembre, il proposera brutalement, "l'autodétermination du peuple algérien !"

Le mot est lâché ! Le voile de sa pensée est déchiré !

Je comprends que c'est la fin de l’Algérie française… Consternation ! Précisément au moment où la pacification était pratiquement acquise !

L'autodétermination ? De Gaulle l’expliquera :

-"Il s'agit de faire choisir le peuple algérien entre : La "sécession", "la francisation", ou " l’association".

Le 28 septembre, la rébellion, malgré ses revers, exige préalablement à toute discussion, sa reconnaissance et l’indépendance totale !

Sur le terrain, le général Massu affirme avec détermination :

-"La pacification continue.

Et le gouverneur de l’Algérie, monsieur Delouvrier, confirme :

-"Nous nous battrons pour que l'Algérie reste française.

Apparaissent ainsi deux volontés contradictoires : Celle d’Alger, et celle de Paris.

Sur ces entrefaites, le 5 décembre, l'oléoduc « Hassi Messaoud - port de Bougie » pour l'exportation du pétrole saharien que nous venons de découvrir et qui doit nous assurer pour les cinquante ans à venir notre indépendance énergétique, est achevé. Nous allons pouvoir enfin, profiter de ce que notre génie, notre travail, notre capital ont permis de découvrir et exploiter, dans une des régions les plus désolées et inhabitées du désert sud algérien !

Le franc-parler du Général Massu, qui ne dissimule pas son intransigeance en ce qui concerne le maintien de la France en Algérie, irrite l'Elysée.

Sanction : De Gaulle décide son rappel en métropole !

Lorsque Alger apprend la nouvelle, c'est la révolte! Tout le monde descend dans la rue.

Commencent alors les semaines de barricades, avec comme leaders Pierre Lagaillarde et Orthiz : 22 morts, 150 blessés...

Sanction de Paris : les Généraux Bigeart et Godart sont limogés !

Le Général de Gaulle entreprend alors une deuxième tournée des "popotes", en mai 1960. Il y tient un discours qui souffle le chaud et le froid : Tantôt insiste sur la nécessité d'une victoire par les armes, tantôt sur une Algérie liée à la France, tantôt renouvelle l'offre de négociations…

Devant l'ampleur de la révolte de la population d'Alger qui réclame le retour du Général Massu, et qui s’est donné pour chefs les Généraux Challes, Salan, et Jouhaux, - lesquels sont déjà pratiquement en dissidence avec Paris - de Gaulle décide intervenir à la télévision, et de frapper un grand coup !

Il a choisi : Il abandonne l’Algérie aux nationalistes !

Et il rappelle à l’obéissance immédiate, les généraux et l'armée stationnée en Afrique du nord !

Avec la grandiloquence magistrale dont il a le secret, il manie tour à tour la séduction et la menace :

-"Mon cher et vieux pays...

-« Un quarteron de généraux à la retraite, rebelles et félons...

Suivra une vague d'arrestations, dont celle de Lagaillarde, et le remplacement du Général Challes.

Sur sa lancée, le 5 septembre 1960, de Gaulle prononcera ces mots définitifs :

-"L'Algérie est en marche !

Fin octobre le Général Salan se réfugiera en Espagne.

Le 16 novembre est annoncé un référendum sur le thème de l'autodétermination.

A Alger, c'est l'émeute générale : Il y aura 60 morts...

Le 12 décembre, de Gaulle s’y rend.

Négligeant ses gardes du corps, il se dirige vers les émeutiers, traversera leurs rangs, pour aller serrer… les mains des musulmans !

L.O.N.U., dominée par l'URSS et les USA, reconnaît aux algériens le droit de choisir leur destin.

Lagaillarde, gracié, s'enfuit en Espagne.

Le référendum sur l’autodétermination aura lieu le 8 janvier de la nouvelle année. Ce sera un triomphe personnel pour De Gaulle : 75 % de "oui" en métropole. Et 70 % en Algérie, mais parce que, dans l’intervalle, les musulmans ont obtenu le droit de s'exprimer au même titre que les ressortissants français !

En haut lieu, des contacts sont pris avec la rébellion.

Lagaillarde, depuis l'Espagne, fonde l'OAS en février : Organisation de l'Armée Secrète.

Comble de prétentions, les nouveaux dirigeants du F.L.N., exigent que soient inclus dans les frontières de la future Algérie, les gisements de pétrole d’Assi Messaoud !

Le 11 avril 61, de Gaulle proclame:

-"Libre aux Algériens de choisir leur destin !

Refus d’Alger ! Putsch des Généraux Challes, Jouhaud, Zeller et Salan ! Les représentants de l'autorité parisienne en Algérie sont arrêtés.

C'est la sécession d’avec la métropole !

Le 20 mai, début des négociations entre la France et le GPRA (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne), à Evian.

Les Généraux Salan et Jouhaud, les Colonels Godart, Garde et Lacheroy sont condamnés à mort par contumace.

Les pourparlers d'Evian échouent à propos du Sahara. La conférence est ajournée.

Le Général Salan prend la tête de l'OAS en Algérie. Celle-ci s'ensanglante : Nombreux morts…

Le 5 septembre, dans une conférence de presse, de Gaulle admet : « qu'une Algérie indépendante, associée à la France , aurait vocation à revendiquer le Sahara… » !

Révolte dans la banlieue d'Alger, à Bab el Oued, peuplé de français modestes, vivant depuis plusieurs générations en bonne harmonie avec la population locale : Les "pieds noirs" sont désespérés par l'abandon de la métropole.

Mais le plus grave surviendra à l'occasion de l'anniversaire des sept ans de l'insurrection musulmane...

Celui ci aura pour théâtre Paris, quartier de l'opéra ! 30.000 travailleurs émigrés manifesteront avec insolence, contre le pays qui leur a offert un emploi !

Le gouvernement fait intervenir énergiquement la police, comprenant que le FLN, en France, représente une force de subversion qui peut devenir un danger, véritable cinquième colonne prête à intervenir dans les affaires intérieures de notre pays !

Le même jour, et pour la même raison, défilé monstre à Alger, qui tente de déborder les forces de l'ordre françaises. La fusillade éclate : Soixante dix sept morts !

Aussitôt s’organise spontanément à Paris un meeting de protestation des partisans et sympathisants de l’OAS sur la place de La Concorde, à 500 mètres de la Chambre des Députés, avec en tête de cortège : Messieurs Georges Bidault et Jean-Marie Le Pen !

L’Elysée décide alors de sévir avec rigueur contre l'OAS. Il envoie des "Brigades Spéciales" en Algérie pour lutter contre cette organisation.

Ce sera l’épisode, peu glorieuse, des fameux "barbouzes" !

La France se trouve alors partagée entre deux tendances : L’une, majoritaire, qui se soucie peu de la grandeur du pays et n'aspire qu’à la paix à n'importe quel prix. L’autre, minoritaire, éprise de grandeur nationale, solidaire de la communauté française vivant en Algérie, consciente de nos intérêts pétroliers, et qui considère que les trois départements d'Alger, Bône et Constantine font partie intégrante de la France, au même titre que la Corse.

Que les abandonner serait un véritable acte de trahison ! Minorité désespérée, parmi laquelle certains sont prêts à tous les sacrifices.

La coupure de l'OAS avec la métropole, durera presque six mois... Le premier trimestre 1962 sera le plus meurtrier.

En janvier, l'OAS frappe partout, "où et quand il veut", ainsi que l'assure sa propagande. C'est ainsi que 18, Paris connaît une véritable nuit bleue, avec l’explosion aux quatre coins de la capitale de dix huit bombes... Exploit ( ?) réédité le 23 avec dix sept engins.

Le 29 est dynamitée une villa à Alger, où cantonne un détachement de "barbouzes" : 18 morts!

Le 8 février 62, une manifestation se transforme en carnage à hauteur de la station de métro Charonne : Huit morts, cent blessés. Les forces de police en compteront cent quarante ! L'O.A.S. vise aussi des personnalités politiques proches de de Gaulle: André Malraux (7/2), le Tac au Val de Grâce (8/2).

Les forces de l'ordre entreprennent alors, une véritable guerre souterraine, secrète, meurtrière, contre les membres de l'O.A.S.

En Algérie, surtout à Alger, la situation devient explosive:

Les pieds noirs méprisent littéralement de Gaulle, qu’ils surnomment « la grande Zorah » !

L'O.A.S. a juré de pratiquer la politique de la terre brûlée si la France abandonnait notre belle colonie. De détruire tout ce que notre civilisation lui avait apporté : Industries, écoles, hôpitaux, infrastructures. C'est ainsi que pendant la première semaine de mars on ne comptera pas moins de 120 plasticages!

Le comble sera atteint le 19 mars, lorsqu'à la suite des accords d'Evian, Ben Bella - un leader de la rébellion responsable de nombreux massacres - sera libéré, en même temps que sera reconnue par la France la souveraineté algérienne sur la totalité du Sahara !

A l’annonce de ces nouvelles, à Alger, c’est l'appel à la révolte générale contre le gouvernement de Paris !

Le Général Salan lance un ultimatum :

-"Ordre à tous de harceler les forces dépêchées par la métropole sur le sol algérien !

Un sentiment de malaise étreint bien des Français de la métropole... Il y a un an, nous étions si près de la victoire totale sur le F.L.N. ! Alger était soumis, le repaire tunisien neutralisé par la ligne électrifiée, le pétrole saharien parvenait au port de Bougie par l'oléoduc que nous venions d'achever… Quel gâchis, quel bradage après tant de sacrifices !

Ainsi qu’une question majeure s’imposait à la conscience de l’élite de la nation : L'abandon de l'Algérie par la France à ce tournant de notre histoire pour des motifs politiques, était-il vraiment justifié ?

Perçu à mon modeste niveau, cela n’était pas du tout évident.

Certes, à long terme, je ne pensais pas que notre maintien serait justifié, indispensable. Trop de différences ethniques, une absence de communauté millénaire, de tradition, et surtout un extrémisme fondamentaliste religieux rendaient le mixage des populations algériennes avec la France, difficile.

Mais, à court terme, compte tenu de la présence de l'autre côté de la Méditerranée de ce million et demi de Français qui avait fait de ce pays - encore à l’age féodal en 1830, et asservi par les Turcs - une société en voie de modernité, et de la chance d'y avoir découvert par notre seule compétence et capitaux la fabuleuse richesse pétrolifère du Sahara alors totalement inhabité, je pense et penserai toujours, que de Gaulle avait commis une formidable erreur historique en abandonnant prématurément l’Algérie, alors que pratiquement –- sur le terrain la partie était gagnée militairement !


Désormais l'O.A.S. va connaître son agonie... Critiquée, rejetée par plus de ma moitié de la population de la métropole, qui ne rêve qu'augmentations de salaires et loisirs !

Le 24 mars, le Général Jouhaud, son âme et son chef sur le territoire national, est arrêté !

Pendant ce temps, à Alger, une véritable guerre oppose la population française aux musulmans. Pire ! L'armée française recevra l'ordre de Paris de sévir contre les Français ! Le 26, la troupe tirera sur eux ! Il y aura dans la foule des "pieds noirs" sans armes, 46 morts !

Quelle mauvaise conscience pour le chef du gouvernement !

Alors le désespoir des Français à Alger n'a plus de limite… D’autant plus que l’on murmure que le F.L.N. aurait exigé, entre autres conditions, l’expulsion de tous les Français, avec seulement trente kilos de bagages !

Hitler n’avait pas fait mieux aux heures les plus sombres de notre défaite, en Alsace et en Lorraine…

Désespérée, poussée dans ses derniers retranchements, l’O.A.S. instaure la terreur en Algérie : camionnette piégée bourrée d'explosifs (62 morts), tirs au mortier (15 morts)...

La violence entraînant la violence, le F.L.N. réagit: Leurs voitures sillonnent Alger et mitraillent tous les attroupements français, leurs cafés, leurs restaurants, déposent des grenades... Un vrai bain de sang !

Contraste ! En métropole, sitôt le résultat du référendum sur les accords d'Evian connu, les journaux expriment la lâche approbation de la majorité des Français…

Français qui abandonne sans remords notre belle colonie d’Algérie à une minorité de rebelles ! Se désintéressant lâchement du sort du million et demi de nos concitoyens vivant de l’autre côté de la Méditerranéenne !

La panique s’empare alors des français d’Algérie… C’est le début d'un affolant et lamentable exode !

Des centaines de milliers de familles, menacées de mort par les sbires du F.L.N., s'embarquent en hâte, abandonnant tout, n’emportant que les vingt kilos de bagages autorisés par le F.L.N....

Sans autre point de chute que les camps de toile qui les attendent en métropole... Démunies d’argent, sans promesse d’aucune indemnité.

Ingratitude monstrueuse !

Et nous ignorions encore toute l’étendue de celle qui sera réservée par notre gouvernement, envers les algériens loyaux, et surtout envers les supplétifs militaires servant sous notre drapeau, les harkis !

Tous abandonnés à la vindicte sauvage du F.L.N. triomphant, qui – sans jugement - les assassinera après d’odieuses tortures !

Sombres et douloureuses pages de notre histoire contemporaine...

Salan serat arrêté en Allemagne le 20 avril suivant, dans d'étranges conditions ressemblant davantage à un kidnapping extra territorial, qu’a une interpellation judiciaire...

Un tribunal militaire expéditif prononcera des condamnations : Jouhaux à mort, Salan à perpétuité.

C'est la fin de l'O.A.S..

Mi-juin, les derniers responsables O.A.S. quitteront l'Algérie. Beaucoup se réfugieront en Espagne.

Le Colonel Souètre et le Commandant Lacheroy choisiront l’île de Majorque.

De Gaulle triomphe.

L’histoire jugera.

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Maurice NONET
Dernière modification le : February 27 2007 17:13:02.
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