Aime-moi Mamour

IMPLICATIONS FAMILIALES

La réussite de la vente au détail en région du nord, va m'inciter à tenter une semblable expérience en région parisienne, à Draveil ! La maison que j'y ai achetée pour mes parents se trouve dans une rue relativement commerçante, et huit mètres de sa façade sont disponibles... Construire un magasin me tente.

Mais tout est difficulté : Pas d'autorisation de construire, pas de bons matières ciment, briques, tuiles... Chance, un jeune entrepreneur de bâtiments - de mon âge et que j'ai connu à la laïque de Juvisy - accepte de réaliser mon projet grâce aux surplus de matériaux d'un gros programme de reconstruction qu’il vient de réaliser. Je potasse les plans, et finance les travaux sur mes fonds propres.

En six mois tout est achevé, et un quatrième pimpant magasin est prêt à accueillir la clientèle. Comme celui ci jouxte le domicile de mes parents, il va impliquer définitivement ma mère dans la bonne marche de mes affaires. Celle ci, heureuse de se rendre utile, deviendra en conséquence, de plus en plus présente et influente dans ma vie.

Mieux, elle œuvre - discrètement mais efficacement - dans le but de convaincre mon père d'intervenir à son tour dans mon entreprise, en prenant une retraite anticipée, légalement possible en raison de ses années de guerre...

Tout à l'euphorie de la réussite de mes affaires, je ne vois pas se profiler trois dangers :

L'impossibilité de poursuivre ma vie professionnelle à la Bull, donc l’abandon d’une situation remarquable, et où j’avais une compétence certaine.

La perte de mes relations flatteuses qui en découlaient, pour l'enclavement définitif dans le petit monde mercantile de la confection féminine.

L'influence grandissante de ma mère sur mon comportement et mon raisonnement : Elle sera bientôt ma conseillère privilégiée, mon unique confidente, ma conscience...

Car, par mon éducation, j'ai subi le marquage du recours à une femme ! J'ai absolument besoin de me sentir aimé, admiré. Or, depuis la disparition de Marie Madeleine, je suis sans amour passion pour la première fois de ma jeune vie ! Me contentant de la compensation, commode mais sans émoi, du « pain quotidien » de la pension « tout compris » d’Y. V. et Germaine...

Dans mes moments de lucidité, cela me désole et m'inquiète, car pas la moindre autre aventure sentimentale en cours ! Rien, le calme plat. Je n'en reviens pas, moi qui avais parfois plusieurs intrigues amoureuses dans le même temps ! Finies les occasions de rencontres avec d’exceptionnelles jeunes filles qui me subjuguaient en de ravageuses flambées de passion !

Les personnes que je fréquente désormais sont des petites vendeuses, employées, commerçantes - parfois charmantes et piquantes - mais sans le piment de la classe, de l’éducation et de l’élégance auxquelles je m'étais habitué ces dernières années, avant de rencontrer l’inégalable Marie Madeleine...

Plus grave : Il n'y a aucune pour raison que cela change, car me suis enfermé dans un milieu social dont les maîtres mots sont d'abord et toujours : Argent, chiffre d'affaires, bénéfice... Milieu professionnel dans lequel je suis moi-même condamné à jouer le même jeu, si je veux réussir !

Je ne m'y habituerai jamais tout à fait. Je serai toujours conscient des limites du cadre socio professionnel de la mode féminine auquel rien ne me prédestinait ! J'en subis les conséquences au niveau sentimental, et cela explique à la fois mon absence de motivation et mon isolement actuel.

Orgueil vraiment justifié ? Est-ce que je ne me flatte pas ? J'ai sans doute connu quelques années de succès à la Bull, grâce à la guerre, dans une spécialité où mon esprit peu encombré avait un instant excellé...

Mais n’ai-je pas trop vite oublié que mon grand-père maternel était un boucher de village, que mon grand-père paternel avait été épicier à La Haye Descartes (et qu'il avait fait lui aussi - cinquante ans avant moi - l'expérience d'un magasin ambulant !)... Par hérédité, est-ce que je ne fait pas finalement le seul métier qui me convenait ?

D’ailleurs, si je fais le bilan de ces dernières années, je ne peux que m'estimer très satisfait de mon entreprise de confection au niveau des résultats : De la petite affaire de quatre apprenties non salariées qui sortaient quotidiennement quelques vêtements de piètre qualité, l'atelier d’aujourd’hui est devenu une entreprise structurée d'une trentaine de vraies salariées, dont la qualité de fabrication est excellente, et qui produit un nombre important de pièces chaque jour.

D’autre part, je suis parvenu à assurer un réseau de vrais clients ayant pignon sur rue et payant "rubis sur ongle". De plus j'ai réalisé un système de vente directe par l’intermédiaire de quatre magasins - dont deux sont ma propriété personnelle - et deux dépôts roulants pour foires et marchés uniques dans la région et très performants.

En outre, par mes soins attentifs aux achats, la surveillance du rendement de l'atelier, et la création de modèles suivant de très près la "mode parisienne", plaisants et d'une élégance certaine, j’ai pu appliquer des marges de bénéfices très substantielles. Les résultats nets des bilans sont proprement stupéfiants, bien au-delà de tout ce que je pouvais espérer dans le meilleur des cas !

Pourtant, je reste désenchanté... Je n'ai plus le moteur de l'exaltation d'une vie sentimentale passionnée. Très souvent, dans le secret de mon cœur, je revis mes fols émois du temps béni de mes amours avec Marie Madeleine, que - j'en suis convaincu - je ne pourrai jamais remplacer !

Alors, physiquement, je commence à me négliger, à devenir moins élégant, moins coquet. En déclin.


Pour compenser ces désenchantements – outre nos rencontres à Draveil et à Avion - j'entretiens avec ma mère un important échange de courrier où j'expose la progression de mes affaires, toujours assuré d'obtenir d'elle tous les témoignages d'admiration dont j'ai tant besoin.

C’est ainsi que se renouent avec elle les liens entravants de reconnaissance et dépendance filiales, comme aux meilleurs temps de mes seize ans !

Au centre de cette photo récente, et peinte en blanc, la maison de Draveil avec son agrandissement pour le magasin à gauche, devenu une pièce supplémentaire et un garage .

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Maurice NONET
Dernière modification le : February 27 2007 17:32:29.
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