Aime-moi Mamour

CHAPITRE II
LES TEMPS DE MON ANGE GARDIEN.

MA MERE !

Effectivement, pour le jeune homme ambitieux qui s'était promis à la fin de son adolescence, de conquérir l'argent, parce que c'était ce qui lui manquait le plus, l'amour, parce que parvenir à séduire une jeune fille lui paraissait alors improbable en raison du peu d'avantages physiques dont la nature l'avait paré, ainsi que la notoriété, il faut bien admettre aujourd’hui, que je n'ai aucune raison de pavoiser alors que je viens d'avoir vingt sept ans !

Mon bilan présent sur tous les plans se résume en deux mots: Echecs et déceptions…


Seul dans mon lit, dans la chambre humide et froide de la sordide maison de la fosse 11 de Lens, remâchant ma mélancolie, et en proie au découragement au niveau de mon avenir professionnel, que penser en effet de ma situation ?

Faute de débouchés réels, j'ai dû finalement résilier un contrat flatteur, mais sans réel avenir, avec la firme de machines à statistiques Samas Power, où je pouvais encore exercer ma seule compétence. Aujourd’hui, sur ce plan, c’est l’impasse totale !

Certes, je possède encore un petit atelier de confection féminine - reliquat d’une association malheureuse dans la confection de vêtements féminins - mais pour lequel je ne possède ni la compétence ni la formation technique voulue, seulement le goût de la mode parisienne.

Et peut-être celui du commerce, car j’ai créé deux petits magasins et une antenne foraine. Mais ceux-ci connaissaient depuis peu le déclin, en raison de la concurrence renouvelée d’anciens vrais professionnels, revenus de captivité.

Pourtant, il va me falloir désormais m'accrocher de toutes mes forces à ces deux branches - au sacrifice de tout mon temps et de tous mes loisirs - pour assurer ma vie matérielle, et surtout le salaire des jeunes ouvrières qui me sont restées fidèles !

Vie matérielle ? Je vis dans le cadre disgracieux d'un coron minier, dans une maison sans grâce ni confort, qui n'a connu aucune réparation ni peinture depuis plus de vingt cinq ans, au milieu d'un terrain boueux et noir de poussière de charbon, ouvert à tous les vents.

Mes repas sont désormais préparés par une vendeuse du magasin, car je me refuse les frais du restaurant en raison de la précarité de ma situation. Où sont les succulents et savoureux repas que mitonnait si bien la mère de mon ancienne associée ? Le confort et les commodités de mon ancienne pension tout compris, au sein d’une famille chaleureuse ?

Aujourd'hui, dans la froidure de décembre, enclin à la morosité, je dors, toujours seul, dans une chambre sans chauffage, glaciale et humide.

Une autre pièce, tout aussi froide et qui distille une forte odeur de moisi, me sert de bureau. J'y travaille sous trois pulls et un pardessus, jusqu’à très tard chaque soir. L'abrutissement par le travail est devenu ma drogue ! Il m'évite de penser à mon isolement auquel je ne m'accommode pas.

Dans ces conditions précaires, comment ne me serais-je pas laissé séduire par la chaleur rassurante de la tendresse offerte de ma mère ?

D'ailleurs, celle-ci ayant appris ma détresse, est immédiatement disposée à tous les sacrifices ! Prête à voler au secours de son fils qui n'a plus qu'elle pour le protéger, le soigner, l'aider ! Ce qui est le plus beau et le plus cher de tous ses voeux !

C'est ainsi qu'à partir de janvier 1948, j'accepterai, avec une reconnaissance et une joie sans réserve, son offre de passer avec moi trois jours sur sept, dans la lugubre maison du chemin Manot...

Parce que je n'en peux plus d'être seul !

Parce que mon courage est défaillant

Je n'oublierai jamais l'énorme service qu'elle me rendra alors, avec une totale abnégation. Allant jusqu'à omettre celui qu'elle devait en priorité à mon père, dont la santé - même s'il le nie - n'est guère brillante : Bronchite chronique, surtout en saison froide, en raison de ses poumons brûlés par les gaz ypérites pendant la première guerre mondiale...

A ce moment crucial de ma vie, où je risquais de sombrer par désespérance, elle saura intervenir efficacement, réveillant par sa tendresse active et toutes ses attentions, mon énergie en berne.

Alors, égoïstement, je vais me raccrocher à elle, comme un gosse... de vingt-sept ans !

Il n'y avait vraiment pas de quoi être fier…

Quelle décadence !

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Maurice NONET
Dernière modification le : February 27 2007 17:39:28.
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