Aime-moi Mamour

PREMIERES REALISATIONS

Restait à réaliser le programme de réparations et d'améliorations de la pauvre maison de la fosse 11… Les devis demandés aux entreprises concernées, m’épouvantent par leur hauteur : Incontestablement, n’ai pas les moyens financiers voulus...

Mais la chance va me sourire... Je rencontre un maçon d'origine flamande, Monsieur Camille Delrue, qui souhaite besogner après son travail en usine...

C’est un maître ouvrier, d'une qualification remarquable, et un travailleur acharné. Avec lui comme contremaître, j’envisage alors de former une équipe dont le nombre des acteurs va progressivement s'accroître de tâcherons, plâtriers, menuisiers, peintres, électriciens, couvreurs, au fil des années.

Pour l’heure, Camille, aidé de quatre manœuvres, va transformer sous ma direction et grâce aux approvisionnements que je me suis engagé à assurer - en quelques mois de manière radicale, la triste maison du Chemin Manot.

Gaie façade rejointoyée, murs arrières crépis, toiture refaite, jardin clos, grille – celle de Draveil récupérée lorsque j’avais construit le magasin – d’entrée sur la rue.

Son intérieur remis à neuf, du haut en bas.

Avec en supplément l'installation d'une salle de bains ! Et même, luxe suprême en 1951, chauffage central ! La banale bâtisse est devenue la plus pimpante maison du quartier, et de loin sans conteste, la plus confortable.

De plus, le père Merlot a réalisé, en parfait jardinier que sont les mineurs, tous issus de la campagne il y a à peine une génération, un véritable jardin chinois avec de belles allées plantées de jeunes arbres fruitiers, et sur le devant, un riant parterre de fleurs multicolores.

A ce train, la plus importante partie de mes économies a fondue.. Mais j'ai estimé que ces dépenses étaient prioritaires, indispensables pour compenser ce que je persiste à considérer encore comme un "sacrifice nécessaire" de la part de mes parents, en acceptant de quitter la région parisienne.

Et pour leur assurer toutes les commodités voulues pour la prochaine venue de Marie Christine dans le cercle de notre petite famille.

Mon horizon commence à s’éclairer. D’autant plus que mon petit mouton adoré m’annonce la nouvelle extraordinaire tant espérée : Une seconde naissance vers le mois de mars 1952...


Dans l'intervalle, Roger et Annie Brickler nous ont quittés. Ils sont repartis pour la Lorraine où Roger a reçu une affectation de postier à Chaumont, dans la Haute Marne. Mon père a négocié leur indemnisation d'une tentative malheureuse de reconversion professionnelle, qui s'est soldée par un échec...

La page est tournée. Annie, dont la santé était menacée se rétablira rapidement, tandis que Roger – qui a lui-même compris qu'il n'était pas fait pour les roueries du commerce de détail - ne regrettera rien, ayant trouvé dans la vie de fonctionnaire des P.T.T., sa voie et sa vocation.

En ce qui concerne le magasin de Sallaumines, il sera loué dans un premier temps en gérance libre, puis définitivement vendu quelques dix ans plus tard, en juillet 1962.


Mais revenons aux dernier mois de 1951, et aux conséquences heureuses des transformations de la maison de Chemin Manot...

Si je me suis handicapé financièrement pour ces travaux, j’ai fait, grâce à eux, une découverte magistrale et passionnante : J'ai le goût de la « brique », et celui de construire!

Un véritable début de passion pour projeter des plans, voir s'édifier des murs, grimper en haut d’une échelle pour accrocher au faîte d’une construction nouvelle, le bouquet de sa mise « hors d’eau » ! A une condition toutefois : Que je sois à la fois l'architecte, le maître d'œuvre et l'entrepreneur !

Les joies viriles du bâtiment, entrevues lors des rénovations de la prochaine demeure de mes parents seront telles, qu'elles me donneront très vite l’envie de tenter une autre expérience, plus conséquente, tout de suite après le projet – devenu maintenant prioritaire - de notre installation à Lens.

Pour l'heure, nous approchons de Noël 1951, et je suis tout à la joie des plaisirs que m'apporte mon progressif rétablissement. Quel bonheur incomparable !

Je me souviendrai toute ma vie, de ma première "vraie" sortie, en août 1951, après la consultation du Professeur Minet... Elle n’avait pourtant consisté qu’en quelques tours de jardin au bras de ma gentille épouse :

Mon Dieu, merci, cent fois merci ! Quel merveilleux contentement que d'être dehors ! De sentir la chaleur du soleil, de respirer l’odeur des moissons... Même celui de découvrir le paysage minier qui entoure notre maison de la fosse »11 » !

Décor que je trouve en cette minute, superbe, moi qui jusqu'alors l’avais trouvé si laid ! Limité par la ligne de chemin de fer où halète une grosse locomotive à vapeur remorquant un train de charbon, par les terrils et chevalets des fosses voisines, et par les rangées des corons groupés autour de leur église...

Je m'extasie devant la beauté d’un pied de tomate aux gros fruits rouges planté par monsieur Merlot... Enchanté des gambades de ma Sultane qui me présente dans sa gueule une balle de caoutchouc pour que je la lui lance…

Mais, d'un coup, une soudaine fatigue me rappelle mon état de convalescent, et m'oblige à rentrer aussitôt, jambes tremblantes, cœur palpitant et corps frileux... Heureux de retrouver le havre reposant de mon lit. Suis-je encore faible à ce point ?

Pourtant, chaque semaine qui passe me permet de constater de nouveaux progrès, un retour à une certaine endurance... Bientôt je peux tenter seul mes premiers déplacements en voiture... Revoir le magasin d'Henin Liétard, celui de Sallaumines… Et quelques semaines pus tard, me risquer à visiter mes fournisseurs, et certains de mes clients de gros...

Que ma vie est belle ! Merci mon Dieu, et encore une fois, mille fois merci !


Tout de suite après la fin des travaux de chemin Manot, débutera la recherche d’un nouveau local à Lens. Il devra comporter outre le logement, un magasin, un espace pour l’atelier, et un garage. Et surtout que son prix soit compatible avec mes finances…

Car à cette époque, tout fond de commerce fait l’objet d’un prix de « Pas de porte » souvent considérable pour les magasins les mieux placés, et indépendant de celui de la valeur « des murs ».

Il s’avérera alors, qu’il ne pouvait s'agir que d'une simple location... Après bien des visites, bien des comparaisons, d’hésitations, je jetterai finalement mon dévolu sur un bâtiment proche du centre commercial de la ville, en un lieu très passant : Au 14, rue Bollaert, du nom du célèbre stade de football local.

C'est un ancien magasin d'environ cent vingt mètres carrés de surface, avec sur le côté un garage suivi à l'arrière d’un hangar, et d’un jardin de 300 mètres carrés. A l'étage, palier, cuisine, salle de séjour, une seule chambre, mais une salle de bains.

Tout est en très mauvais état, à l'abandon depuis 1939 ! Mais le loyer est très abordable, et le montant du "pas de porte" presque insignifiant...

Ce délabrement – qui a fait fuir d’autres amateurs - me convient tout à fait, car il va me permettre - avec l'accord oral de mon propriétaire le "bon Monsieur Braquart" qui me manifeste beaucoup de sympathie, d'organiser et remodeler les lieux à ma guise.

Longtemps je resterai penché sur ma table à dessin, recherchant les meilleures utilisations possibles des lieux... Ayant enfin arrêtées celles-ci, je mettrai alors en route l'équipe de mon maçon mascotte : Camille Delrue.

our Noël, le magasin sera terminé, et il présentera à la clientèle nos dernières collections d’hiver, agrémentées de prudents achats faits dans le quartier du Sentier à Paris.

Ce Noël 1951 sera celui de ma résurrection ! Celui d'un nouveau départ dans la vie.

L’occasion de ma première messe de minuit depuis le début de ma maladie, célébrée en famille, ma petite Marie Christine dans mes bras, et la tête de mon petit mouton tendrement appuyée contre mon épaule.

Petit mouton de femme dont les flancs s'arrondissent de façon prometteuse...

Dès lors mes parents projettent leur prochain déménagement. Il suivra le nôtre, prévu un mois après la prochaine naissance.

Cette fois, Wanda ne veut plus entendre parler de repos préalable : Elle se sent parfaitement bien... Et c’est ainsi que jusqu'aux derniers jours, elle manipulera sans précaution des pièces de tissu qui pèsent presque la moitié de son poids ! Tôt levée, tard couchée... Gaiement, sans la moindre défaillance… Avec tout le courage des femmes de sa race.

A partir de février, ma mère vient à notre secours, car le rythme de mes affaires s’accélère. L'atelier compte désormais huit ouvrières qui travaillent à plein rendement, pour une qualité de vêtements nettement en progrès, mais encore très imparfaite par rapport à ce que je souhaite.

Mars est froid. Wanda, qui commence à compter les jours, est ronde comme un œuf, mais toujours aussi vive, enjouée et active. Jusqu'à la dernière minute d'un certain 12 de ce mois, où je devrai la conduire en catastrophe à la maternité de Lens !

Miracle ! C'est un garçon qui m'est donné !

La petite Quatre Chevaux RENAULT sur les pavés de l'ancienne route de Béthune.

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Maurice NONET
Dernière modification le : February 27 2007 18:40:25.
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