Aime-moi Mamour

UNE VISITE INOPORTUNE...

Un autre coup du tocsin de la fatalité va encore ébranler le ciel de ma destinée, dans une ville proche de la frontière belge…


Afin de développer mon entreprise de fabrication de vêtements, après mon « Waterloo » londonien, je décide de prospecter une nouvelle couche de clients vers l’industrielle vallée de l’Escaut : Prouvy, Denain, Condé, Blanc Misseron...

Cette prospection commerciale, anodine, devait pourtant être l’occasion de ce qui me semblera être une révélation particulièrement émotionnelle, inspirée par une curiosité qui ne pouvait être que d’origine démoniaque : Un retour accidentel sur mon passé…

Traversant Valenciennes pour me rendre à Denain, subitement je reconnais la rue, puis la demeure d’une jeune fille qui m’avait incendié le cœur trois années durant et jusqu’au temps de la fin de l’occupation allemande…. Géraldine ! Nos dernières étreintes, juste avant la libération avaient été follement imprudentes et empreintes de mystère, car immédiatement après, je n’en aurai plus jamais de nouvelles…

Ce genre de drame n’avait rien eu d’original ni d’exceptionnel en cette période de dangers extrêmes, car en ces jours glorieux de la retraite allemande, ceux-ci avaient été malheureusement ternis parfois par les exactions d’une certaine frange de la résistance pratiquant une justice expéditive !

Je me résous donc, puisque je suis de passage dans sa rue, de consacrer quelques minute à une enquête rapide. Je reconnais sans effort la grande et belle maison de ses parents, alors importants négociants en vins, ce qui leur avait valu d’ailleurs, maintes menaces… Tout est clos, porte et volets.

Justement une dame très âgée sort d’une demeure voisine. Je l’interroge :

-« Avez-vous connu une demoiselle Géraldine qui habitait cette maison ?

-« Mademoiselle Géraldine ? Bien sur que je l’ai connue ! C’était une jeune fille bien aimable… Elle était fiancée à un jeune officier à la déclaration de la guerre… Il a été tué en Belgique… Ensuite elle a connu un ingénieur de Lens, je crois…

-« Ses parents étaient très connus… Ils avaient une affaire de vins et spiritueux… On les a soupçonnés de marché noir… Même de collaboration… Ils se sont sauvés juste avant que les F.T.P.F. ne viennent leur chercher des ennuis, quelque part dans le midi… Ils sont revenus longtemps après... Leur maison a été vendue…

-« Géraldine était mariée… Avec quelqu’un beaucoup plus âgé qu’elle… Un vétérinaire belge établi de l’autre côté de la frontière, à G. …

Après avoir remercié la bonne dame, je retourne à ma voiture, pensif. La petite ville de G. n’est qu’à une trentaine de kilomètres… Hanté par son souvenir de sa disparition, je me laisse tenter par une curiosité indélicate...

Parvenu à G., je n’ai aucune difficulté pour connaître son adresse : il n’y a qu’un vétérinaire... Après un dernier scrupule, je sonne à son domicile.

Un brun jeune homme longiligne de quinze à seize ans, m’ouvre… Instantanément il me semble reconnaître ce visage qui témoigne d’une ressemblance évidente avec celui d’un adolescent qui fréquentait l’école de Juvisy…

Je suis paralysé de stupeur !

De dos, une dame, un peu replète, discute avec une personne tenant dans ses bras un gros chat, puis se retourne vers moi…

C’est Géraldine !

Elle-même me dévisage d’abord sans un mot, puis pâlit à l’extrême en me reconnaissant...

Alors elle articule, véhémentement, à mi-voix, avec une expression de suprême supplication :

-« Il ne fallait pas! Non, il ne fallait pas…

-« Il faut me jurer ! Me jurer…

Et elle s’évanouit !

Survient un gros monsieur au regard très doux, qui se penche aussitôt sur elle en disant au jeune homme :

-« Maurice, aide-moi vite à relever ta mère !


Mon départ ressemblera à une fuite !

Cœur et l’esprit en tumulte. Raisonnement à ce point court-circuité que je ne saurai jamais si la scène qui vient de se dérouler il y a quelques minutes, a été bien réelle, ou seulement imaginée ou vécue au cours d’un cauchemar…

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Maurice NONET
Dernière modification le : February 27 2007 18:52:41.
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