Un fils unique d'après guerre (1920 - 1939)

Le 06 février 1934.

J'ai évoqué déjà évoqué la répétition des désordres politiques qui affaiblissement dangereusement la France face à une Allemagne revancharde... En effet, désormais, je commence à percevoir les grands événements qui agitent mon pays. Pas seulement au travers de l'Excelsior de mon père, mais aussi grâce aux commentaires transmis par mes amis Roger, Jean et Nicolas, mieux informés que moi, car ils ont la radio, vont au cinéma, et que leurs pères discutent avec eux.

C'est ainsi qu'en 1934 je ressentirai d'une manière évidente les premières manifestations de mes tendances politiques, plus exactement de mes sensibilités spontanées, à l'occasion des très graves manifestations populaires dont le détonateur sera l'affaire Stavisky.

C'était un financier d'origine juive, coupable de toutes sortes d'opérations frauduleuses. Celles-ci éclaboussent certains parlementaires au pouvoir. Le scandale était énorme.

Or le pouvoir est à gauche.

Opportunément, le corps sans vie de Stavisky, est découvert dans un chalet de montagne ! Suicide ou assassinat ? Cela entraîne la chute du ministère Chautemps. Le préfet de police Chiappe doit se retirer.

A cette époque il y a un grand rassemblement nationaliste, essentiellement constitué par des anciens combattants patriotes, les "Croix de Feu", dont le chef incontesté était le colonel de la Rocque.

"Les Croix de Feu" manifestent solennellement leur désapprobation face à l’incurie politicienne, le 5 février aux abords du Ministère de l'Intérieur. Ils sont violemment chargés par la cavalerie de la Garde Républicaine, l'équivalent des C.R.S. actuels.

Le mouvement reprend le lendemain, en direction de la Chambre des Députés. Les parents de mes amis Jean Nicolas et Roger, ainsi que tout le collège Saint Charles, vont se joindre au mouvement pour soutenaient les "Croix de Feu". Tandis que moi, en opposition avec la majorité de mes compagnons de classe dont les parents se nourrissaient chaque jours de la lecture de « l'Humanité ou du « Populaire », socialiste, j’étais isolé, déçu...

Car de tout mon cœur, avec eux, j’espérais que le Colonel La Rocque irait jusqu'au bout, chasserait "les voleurs", rétablirait l'autorité de l'état contre les communistes, afin de pouvoir enfin donner un coup d'arrêt aux prétentions de Hitler !

Or, dans le même temps, une puissante contre-manifestation syndicale est organisée par la gauche, contre les "fascistes" du Colonel La Rocque, et au nom des "travailleurs"...

Situation explosive !

Le 6 février, le choc des deux manifestations est inévitable. L'affaire tourna très mal. La garde républicaine reçoit l'ordre de tirer... Sur les "Croix de Feu" !

J'ai retrouvé un résumé des événements de l'époque dans le « Quid » des éditions R. Lafont, dont on ne peut douter de l’impartialité :

« A 18 heures, la place de la Concorde est noire de monde. Le service d’ordre est attaqué. Des agents sont blessés. Un autobus parisien s’engage imprudemment sous la protection des gardes à cheval. Il est incendié. L’émeute éclate alors. On se bat. Le sang coule. Les gardes mobiles, submergés, tirent en l’air pour les sommations d’usage. Des coups de feu claquent. Un cri court de groupe en groupe parmi les manifestants Croix de Feu :

-« On a tiré à balles sur les anciens combattants !

Se succèdent alors trois charges successives de la cavalerie, sabre au clair, tandis que claquent les mousquetons des gardes mobiles. Dans la nuit, le bilan sera de 20 morts et 200 blessés chez les partisans du colonel de la Rocque. »

La presse de gauche se déchaînera. Accusant de « fascisme », les mouvements "Croix de Feu" et les ligues d'Anciens Combattants.

Un incident lors des émeutes donnera naissance aux plus démentes allégations : Un garde Républicain à cheval s'était trouvé isolé parmi les manifestants partisans du Colonel La Rocque. Sa selle ayant été dessanglée, il était tombé à terre. La foule l'avait déculotté, et il avait dû rejoindre sa caserne à pied et en caleçon !

Le journal "l'Humanité » désinforma le fait et fit courir le bruit que certains "Croix de Feu", à l'aide de cannes armées de lames de rasoir, avaient cisaillé les jarrets des chevaux, provoquant la chute des cavaliers qui avaient ensuite été lynchés par la foule déchaînée...


Massacre inutile, car finalement le Colonel La Rocque, peut être trop épris de légalité, avait refusé de poursuivre son mouvement. Son manque de fermeté lui sera amérement reproché, et on l’accusera de « Boulangisme ».

Ce sera pour les anciens combattants une immense déception ! Presque un deuil. La conviction qu'il s'agissait d'une victoire de la gauche, pacifiste à tout prix, et politicienne. La confirmation d’une accélération de la décadence de la France, face au militarisme hitlérien renaissant.

A la suite de ces douloureuses péripéties, la pagaille gouvernementale atteindra des sommets : Le premier ministre, Daladier, démissionnera sous des huées! En désespoir de cause on fera appel à l'ancien Président de la République, Doumergue, pour constituer un cabinet de "Salut National".

Saint-Charles était en deuil. Ma classe de l'école laïque triomphait.

La suite des événements confirmera mes inquiétudes : En effet, trois jours plus tard, une nouvelle manifestation communiste "antifasciste", dégénérera également : 9 morts.

Les syndicats appelleront à la grève générale ! Des manifestations monstres se dérouleront à Paris et dans les grandes villes. Une pagaille généralisée paralysera tout le pays.

Alors s’ensuivit l’amorce d'une entente socialo-communiste, en vue de la conquête du pouvoir !

Durant cette même période de décadence française, on assistera de l’autre côté du Rhin, à la montée régulière en puissance de l'Allemagne et à celle d'Adolf Hitler, aux projets revanchards et hégémoniques sur une partie de l’Europe centrale…

Avec stupeur on apprendra en effet, que celui-ci, après avoir récupéré la Sarre et obtenu l'évacuation de la Rhénanie par les troupes françaises, avait décide du retrait de son pays de la Société des Nations Unies chargée d'assurer la paix !

Pire ! Quelques jours plus tard, il déclarait, unilatéralement, mettre un terme au paiement des dettes de guerre de l’Allemagne !

Seulement préoccupée par ses dissensions politiques intérieures, la France, une fois de plus, sera sans réaction...

Confronté à une telle irrésolution, souvent je repense alors à la phrase prophétique de l'instituteur allemand chez lequel avait logé mon père à Bad Ems pendant l’occupation de la rive gauche du Rhin en 1919. Lequel, après avoir massacré volontairement un lilas à coups de hache, lui avait déclaré :

- "Comme ce lilas, vous avez mutilé mon pays. Il renaîtra. Et mes enfants feront la guerre à vos enfants !

Comment la gauche - seulement préoccupée de parvenir au pouvoir - pouvait-elle ignorer une telle menace sur notre sécurité nationale ? Faire miroiter des promesses démagogiques dans la conjoncture du moment : Diminution du temps de travail, congés payés... N’hésitant pas à paralyser le pays par des grèves continuelles, qui handicapaient notre effort de réarmement ! Tandis qu'Outre Rhin, les usines de canons, tanks et avions tournaient à deux fois soixante heures par semaine ! Comment pouvait-on être aussi inconséquent et aveugle ?

En se bouchant les yeux des deux poings, la gauche choisissait les facilités fallacieuses du "Panem et circenses" de la Rome décadente. Elle décidait d'ignorer le péril mortel qui nous menaçait à l’est.

A l'évidence de sombres temps se préparaient.

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Maurice NONET
Dernière modification le : March 02 2007 13:28:36.
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