Un fils unique d'après guerre (1920 - 1939)

L'affaire "Plançonneau".

En 1934, comme à l'accoutumée, les rapports entre mes parents étaient variables, soleil et orages... C'est à peu près à cette époque que va se dérouler un scénario piquant à trois personnages : Mon père, ma mère et un inconnu… Scénario dont je serai le témoin attentif et curieux.

Peu de temps après notre installation dans le vaste appartement de Juvisy, entre Pâques et les grandes vacances, un soir au début du dîner, on frappa à notre porte ! L'événement était si rarissime que toutes mes antennes vont se déployer aussitôt. Ma mère se leve et descend à la porte d’entrée.

Pourparlers. Puis elle revient, toute rose, animée, presque gênée. Elle déclare à mon père :

-"C'est Monsieur Plançonneau... Oui, le Capitaine Plançonneau... Mais si, je t'en ai parlé... Pendant la guerre... à Crévic en janvier 1917... Il demande si nous acceptons de le recevoir... Il est de passage à Paris.

Mon père se raidit, hésite, puis se décide :

-"Fais-le entrer !

et il s'en va enfiler son beau veston noir.

Monsieur Plançonneau est un bel homme, grand, fort, avantageux. Eclatant de santé, vêtu à la mode, ce qui contraste avec la tenue sévère de mon père. Très décontracté, il précise qu’il est viticulteur en Anjou, et qu’à ce titre, il a un stand à la Foire de Paris.

Le hasard lui a permis d'y rencontrer nos cousins Gouzou, maroquiniers de luxe, qui exposaient à la même manifestation. Monsieur P. avait conservé un excellent souvenir de Crévic, alors il s'était permis de venir jusqu'ici... Ensuite, il se tut. Poli, courtois et déférent envers mon père.

Celui-ci prend brillamment la direction de la conversation, faisant étalage de sa supériorité intellectuelle. Il me fait penser à un coq dressé sur ses ergots. L'autre, le visage lisse, les yeux mi-clos, écoute, observe, et quand il le peut, pose sur ma mère son lourd regard.

Celle-ci, à plusieurs reprises s'est éclipsée. Le tablier de cuisine disparaît au profit d'une petite robe qui la met en valeur, un voile de poudre, un soupçon de "printemps" apparaît sur ses joues, et ses cheveux recoiffés comme lorsqu'on va à Paris. Apparemment exclusivement attentive à nous servir, je remarque qu'elle se met en valeur et ronronne de coquetterie sous les regards de ce gros étranger.

Celui-ci ressemble à notre gros chat Mickey, immobile, observant la jolie chatte blanche de nos voisins faisant sa toilette. Qu'attend donc mon père pour réagir et mettre dehors cet importun qui, de surcroît va manger notre dessert !

Mais rien de semblable ne se passe. Tout à sa superbe, mon père continue à parader, flatté par le silence respectueux qui lui est offert. Mieux, il acceptera une invitation à la ferme viticole de Monsieur Plançonneau, située aux environs d'Angers.

Cette visite aura lieu le mois suivant. Elle commencera au son des violons et se terminera en drame.

En effet, en fin de soirée, mon père changea d'humeur… Doutant du désintéressement de son hôte, de ses regards appuyés... Irrité par la coquetterie de ma mère, si belle dans sa robe d'été fleurie.

Notre départ fut précipité, dans un climat de catastrophe. Le retour fut doublement orageux : Tonnerre et éclairs dans le ciel, crise de jalousie et reproches véhéments de mon père. Ma mère (et moi) devra payer par de longues semaines de silence et de bouderie notre voyage en Anjou, et le bref rappel du temps où elle n'était pas encore fiancée à mon père, et où elle avait 18 ans!

D’ailleurs, plus tard, ma tante Laurence me confirmera les soupçons rétrospectifs de mon père :

-« Oh, ce Monsieur Plançonneau, qu'il était bel homme dans sa tenue de capitaine ! Il poursuivait ta mère dans tous les coins... Je suis sûre qu'elle en a été amoureuse... D'ailleurs, elle répondait à ses lettres qu’elle ne me donnait jamais à lire, alors que c'était moi qui ouvrais celles du Fernand !

-« Oui, il était revenu plusieurs fois à Crévic, et j'avais cru que c'était pour de bon cette fois… Jusqu'au jour où elle avait reçu, écrite par une infirmière, la lettre qui annonçait que ton père était entre la vie et la mort...

Surprenants secrets du passé, et de la vie de couple de mes parent...

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Maurice NONET
Dernière modification le : March 02 2007 13:28:05.
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