Un fils unique d'après guerre (1920 - 1939)

Premières ambitions.

Finalement, l’année de Dourdan n'avait pas été totalement négative, en dépit de son inutilité au niveau études, puisque par la vertu de la fabrication de mon petit poste à galène, je m'étais ouvert le monde !

De plus, je n'étais plus tout à fait seul, car désormais mon père se penchait sur moi.

Enfin grâce à mes fabrications artisanales de petites radios, j'avais pu gagner quelque argent qui m'avait permis mes premières acquisitions : un grand tableau et deux coupes égyptiennes. Premières acquisitions qui m'avaient procuré un plaisir extraordinaire et - véritable révélation : Le goût "de posséder", amorce de celui « de la propriété » ! Un moteur considérable, qui devait me stimuler puissamment par la suite.

Par ailleurs, au travers de mes rêveries pseudos littéraires, je m'étais "exprimé" pour la première fois, et ce, par l’ écrit ! Premiers témoignages de ma soif de vie, d'aventures auxquelles j'aspirais en dépit de mon inachèvement, et en même temps le témoignage d'un certain orgueil, d'une certaine originalité.

Obscurément, je discernais que je refuserais une vie banale, routinière. Je sentais naître en moi, feutrée, une force qui au fil des années, va cravacher mon corps. Force stimulée par ma volonté, mon imagination et mon ambition, force capable de me faire affronter, provoquer, et ensuite exploiter, les orages que je me souhaitais.

Enfin, grâce à la fidélité de mes trois camarades qui me ressemblaient, au patronage de Saint Charles, au chaleureux Abbé Seigné, à la réconfortante communauté fraternelle de la Messe du dimanche, à l'éveil de mon sens esthétique par l'exercice à la peinture et du dessin sous la houlette du monsieur Lambert, je commençais à prendre confiance en moi.

Restait le handicap d'une timidité excessive, d'un goût anormal pour la solitude et le rêve. Et surtout celui de ma laideur ! Laideur qui me convainc que jamais je ne rencontrerai une jeune fille capable de m'aimer tel que j'étais physiquement ! Qui, comme celle de Cyrano, me condamnait à aimer sans jamais réussir à être aimé !

Cela me désespère, car je ressens déjà, obscurément, un attrait puissant pour ce que représente une jeune fille… Cela obsède jour et nuit, mon esprit, mon cœur, mon corps... Tout mon être - encore ignorant - éprouve une attirance, un goût puissant pour la sensualité et la volupté.

Sur un autre plan, très clairement dès cette époque, j'ai parfaitement conscience de vouloir refuser la médiocrité de la condition prolétarienne dont je rejette la vulgarité et la promiscuité ! Sans vraies justifications intellectuelles, prétentieusement, j'ai le sentiment d'être différent.

Je souhaite ardemment faire partie d'une classe sociale supérieure, à l'image de celle dont étaient issus mes trois camarades, classe élitiste et minoritaire. Je suis déjà résolu à tenter de gravir un échelon, dont ferait profiter plus tard mes enfants. Tous mes efforts d'adolescent, toute ma volonté, tendront vers cet objectif de changement de condition, et ce désir de promotion deviendra plus tard pour moi, l'objectif essentiel de ma vie professionnelle d'adulte.

Cette prétention, tout à fait anormale dans l'esprit d'un jeune garçon d'à peine dix sept ans, j'en conviens, peut paraître surprenante !

Elle a peut être des origines d’environnement.

Tout d'abord en raison de mon imprégnation familiale : Dès l'enfance, mes parents, avec les meilleures intentions du monde, m'ont isolé des autres, mis en garde, contre les gamins de la rue. La spiritualité catholique de mon père qui avait espéré pour son fils une vocation religieuse, son comportement sélectif et la marginalisation voulue de sa famille, son autoritarisme, la puissance de sa volonté sur ma mère et sur moi, m’ont profondément marqués.

Ses jugements péremptoires, portés sur chaque chose, et notamment dès que je serai en âge de comprendre, sur les événements politiques et sociaux, ses références constantes au patriotisme, à l'autorité de l'Etat, au respect de l'ordre public, m'imprégnèrent définitivement à mon insu, et formeront la trame de ma philosophie à venir.

Politiquement, corroborant ces tendances, il y avait eu le rejet d'instinct, de la mentalité socialisante de l'école laïque de Juvisy. Et au contraire l'accord spontané pour des milieux Catholiques de Franchot et surtout de l'Institution Saint Charles, perçus au travers de mes trois amis. C’est-à-dire, pour un milieu traditionaliste, religieux, et patriote.

Car très tôt, je percevrais que je suis destiné à vivre dans un environnement national qui me concerne, dans lequel je vais être impliqué. En conséquence, au fur et à mesure que je grandis, je m'intéresse de plus en plus à tout ce qui constitue l'actualité.

Il me suffit de remonter à l’année 1931, année de l'Exposition Coloniale, pour me souvenir de ces premières émotions et souhaits au cours de la visite de ses différrents pavillons. Le "marquage" sur mon imaginaire de cette manifestation. L’ouverture de mes yeux sur l'au-delà des mers. Un rêve fascinant, prometteur, support de mes rêves d'aventures et d'espoir.

A partir d'elle, véritable point "zéro" du début de ma participation aux événements politico sociaux, j’ai été un témoin de plus en plus engagé.

C'est ainsi que je me souviens avec précision d'un fait survenu en 1937, lequel préluda au divorce socialiste - communiste du Gouvernement de Léon Blum...

Le 10 mars, à Clichy, au cinéma Olympia, une soirée avait été organisée par le Colonel de La Rocque, à l’occasion de la présentation du film «La Bataille» d’Henri Barbusse. Il y avait 300 invités. Une contre-manifestation communiste, forte de 7.000 personnes, fit le siège du cinéma. Les grilles furent arrachées. La violence se déchaîna. La police dut intervenir. Des coups de feu claquèrent : 5 morts, 200 blessés!

Informé, le Premier Ministre envoya sur place son chef de cabinet. La fusillade reprit de plus belle et celui-ci tomba foudroyé. Monsieur Léon Blum qui assistait à un gala à l’Opéra, se rendit sur les lieux en habit de cérémonie : Il fut copieusement hué pas ses alliés communistes, à sa grande déception.

Trois mois plus tard il démissionnait !

Cette année 1937 fut tellement prophétique, qu’il est nécessaire d’en détailler les grandes lignes, chronologiquement.

Retour au sommaire <-- --> Chapitre suivant


Maurice NONET
Dernière modification le : March 02 2007 13:28:34.
Valid XHTML 1.0 Transitional