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HISTOIRE DE LA GUERRE DU REGIMENT DE MON PERE : LE 125ème R.I.

Le samedi 1er août 1914, bien que chacun sentit proche l'évènement qui devait entraîner le choc effroyable des nations, le 125ème régiment d'infanterie manœuvre comme à l'habitude, dans les landes du Camp de Biard

Vers 8 heures, un cycliste apporte l'ordre de regagner les casernes. Chacun a compris, et les compagnies sa dirigent vers la ville en chantant la Marseillaise, et le Chant du Départ.

Les officiers, groupés autour du colonel, reçoivent les ordres. Rien n'est encore décidé : il faut être prêt seulement et l'on distribue les fameuses "collections de guerre".

Le soir, vers 16 heures, dans la cour de la caserne Rivaud, le cycliste de la brigade surgit tout à coup, porteur d'un télégramme qu'il remet au Colonel DESCHAMPS. C'est la guerre ! La musique se rassemble et joue la Marseillaise : une flamme d'enthousiasme s'allume et la résolution brille dans tous les yeux...

Les premiers éléments du régiment quittent Poitiers, le 5 août, vers 11 heures. Le Colonel a décidé de rendre les honneurs au Drapeau sur la Place d'Armes. La ville se pavoise ; le Préfet, le Maire, l'Evêque, viennent saluer le régiment qui part.

Dans l'après-midi et dans la nuit, les dernières unités du 125ème prennent le départ...

LE GRAND COURONNE DE NANCY.

Vingt-quatre heures seulement de voyage et nous arrivons. De Toul les bataillons sont dirigés un à un sur leur point de débarquement : pour le 1er Chaligny, où il parvient le 6 Août vers 11 heures du soir ; pour la 2è, Pont Saint Vincent, où le lendemain 7 Août il arrive à 7 heures du matin ; pour la 3è Maron, où ce même jour, il fait arrêt à 2.heures de l'après-midi...

NANCY

Les premiers jours de campagne sont employés pour la 125ème à une série de marches et de mouvements divers, dans le but immédiat est la concentration de plusieurs corps d'armée dans les environs de Nancy. Ces Corps différents devaient former une armée, et le commandement en était donné au Général de, CASTELNAU.

La 8 Août, par Neuves Maisons, Messein et Ludres, le 125ème Régiment d'infanterie sa rend à Flaville et. Lupcourt, où il passe la nuit, pour revenir le lendemain 9 Août à Neuves Maisons et à Messein.

Après une journée sans incidents, les mouvements sont repris le 11 Août à 4 heures du matin. De Messein et Neuves Maisons la régiment dépasse Nancy et arrive à Champigneulles. Quelques éléments du régiment s'établissent dans le village tandis que les autres poursuivent jusqu'à Bouxières aux Dames.

FRONTIERE

Le IX ème corps forme à ce moment la couverture du front d'attaque de la IIè armée. Le régiment, le 12 Août, se porte en première position dans la région de Brin sur Seille, Eulmont et forêt de Champenoux. Le lendemain une fusillade intense se déclanche dans la direction de Gremecey, où le 153ème d'infanterie livre combat. Nous avons, ce jour là, notre premier tué, un soldat de la 9ème Compagnie, qui, au cours d'une patrouille au nord-est de Bioncourt, est abattu par trois cavaliers allemands.

Tous les jours qui suivront, l'ennemi recule sous la poussée du 20ème corps. Le régiment passe la Seille, le 16, il prend position sur le front Gremecey Pettoncourt Chambrey. En passant la frontière, les hommes prennent d'eux mêmes le pas cadencé et mettent l'arme sur l'épaule droite.

Notre séjour en pays reconquis est de courte durée. Désigné, comme le 9ème corps, pour être dirigé vers le Nord où l'ennemi s'avance, le 125ème quitte ses positions et rejoint Essey les Nancy, caserne Kléber, où il s'installe.

REMEREVILLE, 24 août au 4 septembre 1914.

La bataille maintenant bat son plein. Une partie du 9è corps fait, route vers la Belgique, l'autre doit suivre. Mais le 20 Août, à 9 heures du soir, l'alerte est donnée aux régiments sur le point d'embarquer. Le 125ème , n'emportant que ses cartouches et des vivres abandonne en hâte la caserne kléber. Les sections passent la nuit dans les luzernes ou les blés; le lendemain, elles s'établissent sur place dans des tranchées creusées par le Génie.

Le 24 Août, un escadron du 7ème hussards annonce l'arrivée de fortes colonnes allemandes, et le 125ème reçoit l'ordre de se porter en avant. Le mouvement commence à 6 heures 30, le 1er et le 3ème bataillons en ligne d'attaque, le 2ème en, réserve dans le bois, de Salvilau. Dans l'après-midi le régiment prend l'offensive. Les objectifs sont : Réméréville, cote 305 d'abord, puis finalement Hoeville et Bois de Beseng la Grande.

A l'approche de Réméréville pleuvent les premiers obus allemands, et les bataillons doivent prendre leurs dispositions de combat.

Parvenus sur l'immense plateau qui s'étend au nord-est du village, nos fantassins sont reçus par une rude fusillade des Allemands.

Les poilus ont commencé à se creuser des trous protecteurs.

Le ll4ème Régiment d'infanterie, qui est arrivé à notre hauteur, pousse une charge à la baïonnette à laquelle le 125ème régiment d'infanterie s'unit d'un élan superbe. Les mitrailleuses allemandes se mettent à cracher, faisant des vides en nos rangs, obligeant nos unités les plus avancées à s'établir sur le plateau.

Le 2è bataillon, qui stationne depuis le soir, faisceaux formés, devant l'église de Réméréville, gagne le champ de bataille avant l'aurore. Le feu est ouvert à 4 heures 30 par une vive fusillade qui met obstacle à la progression du régiment déjà recommencée.

Vers 7 heures 30. l'artillerie ennemie, assoupie jusqu'alors, commence ses tirs sur nos positions et nous sommes cinglés en même temps par un déluge de balles.

Sous la protection de notre artillerie qui a pris position un peu plus en arrière, et de nos sections de mitrailleuses qui arrosent de leurs feux les bois, les taillis et les tas de gerbes derrière lesquels les Allemands s'infiltrent et se dissimulent, les compagnies se replient une à une, suivant l'ordre donné, vers la sortie ouest de Réméréville. Il est à peu près 10 heures quand la bataille d'infanterie cesse à notre avantage. Nos pertes sont élevées.

Le 26 Août, le régiment reprend sur le plateau de Réméréville les positions de la veille fortifiées par le Génie. Il reste là jusqu'au 3 Septembre, d'où après relève à 1 heure du matin, il fait étape jusqu'à Laneuville-devant-Nancy. Le 125ème prend un repos à Crévic d'une journée, et embarque à Jarville dans la soirée et la nuit du 4 au 5.

LA MARNE

6 septembre 20 octobre 1914

Par Rouilly, Saint-Loup et Troyes, les bataillons sont aiguillés vers Arcis sur Aube, où ils débarquent successivement. C'est le 6 Septembre. Les compagnies vont cantonner à Ormes, Champigny, et Allibaudières.

Dans la nuit on reçoit l'ordre de faire mouvement en avant. Parti au lever du jour, le régiment s'arrête, le soir, après avoir traversé successivement Herbisse Semoine, Gourgançon et Oeuvy ; il s'établit à la nuit, sur la route de Vitry le François, face à Lenharee et Vassimont, que les Allemands viennent d'incendier.

CONNANTRAY OEUVY GOURGANÇON

.... Le 8 septembre, à 3 heures du matin, les bataillons prennent positions, le 1er et le 3ème immédiatement au nord de Connantray, le 2è près de la ligne du chemin de fer de Vassiny Haussimont.

Le 9 septembre, les 114ème et 125ème régiments sont maintenus sur les hauteurs au sud est d'Oeuvy. Dès 5 heures du matin, une violente canonnade se fait entendre, qui se rapproche, et bat, vers les 8 heures, sous la direction d'un avion à croix de fer, les positions que nous occupons. La situation est extrêmement difficile, Déjà la 6è Compagnie est entourée, presque prisonnière, mais une lutte tragique et grandiose s'engage à la baïonnette, et, un à un, chaque survivant parvient à s'échapper.

Après une marche accablante à travers les bois, le 125ème se rassemble l'après-midi sur le plateau de Salon. Son énergique et vigoureux élan a permis d'arrêter le choc de l'adversaire.

CHALONS SUR MARNE

Le 10 Septembre le jour venu, le 125ème se porte en avant. Gourgançon, incendié par les obus allemands, et qui achève de brûler, est traversé.

Le 12 Septembre, tout le régiment traverse la Marne : C'est la rentrée à Chalons. Beaucoup d'Allemands, à la suite d'une nuit d'orgies, n'ont pu déguerpir à temps et sont faits prisonniers. La marche se poursuit, et le régiment s'arrête le soir à Cuperly, où l'on passe la nuit.

BACCONNES, THUIZY

Après un crochet par Saint Souplei Saint Hilaire Le Grand, le 125ème R.I. rejoint Baconnes avec ordre d'attaquer le front Mont-Haut Moronvillers, où les autres régiments de la division doivent également donner l'assaut.

Après une série d'attaques les 14 et le 15 Septembre, le régiment peut, le 16, au matin, prendre pied dans un boqueteau à 700 mètres de l'ennemi. Des tranchées sont creusées, et alors commence vie stationnaire qui soumettra à une rude épreuve le moral des combattants.

Toutefois le 125ème fermement décidé à ne pas reculer, malgré d'intenses bombardements, conserve ses positions intactes.

Après quelques journées de repos à Sept~Saulx et, aux Petites loges, le régiment, occupe les lignes avancées de Thizy, d'où il est finalement relevé le 18 Octobre, pour embarquer les 20 et 21 à Saint-Hilaire du Temple.

LES FLANDRES

22 octobre 29 mars 1915

Les bataillons débarquent le 22 Octobre à Hazebrouck et Streezelle. Dans une marche de nuit, au milieu des campements anglais et hindous, le 125ème traverse la frontière belge, s'installe à Dranoutre et à Ledre. Le lendemain 23, le régiment, par Rheningelst et Dickebusch, parvient à Ypres vers 11 heures. L'ordre est donné, le soir, d'aller relever un régiment anglais très éprouvé au nord de Saint Julien...

POËLKAPELLE

Le 24 octobre au soir, une attaque est lancée sur Paschendaele, mais le mouvement ne réussit pas. Le 26, le Colonel reçoit le commandement des secteurs du 66ème et 125ème formant une brigade provisoire rattachée à la 7è Division de Cavalerie.

Dans un assaut hardiment poussé, le 27, à la tombée du jour les 3ème et 2ème bataillons réussissent une progression qui établi le régiment, face au village de Poëlkapelle. Le 1er bataillon parvient, le 29 à s'établir au même niveau.

Apres une attaque infructueuse, le 4 Novembre, l'ennemi remonte a l'assaut plusieurs fois dans la journée du 7. Il aborde en quelques endroits nos tranchées, où une lutte à la baïonnette, au revolver et au couteau nous, laisse maîtres du terrain.

Grande préparation d'artillerie dans la journée du 9 novembre, et, le 10, au milieu de la nuit, l'ennemi sort des tranchées.

Grâce à l'obscurité profonde, une compagnie allemande réussit à s'infiltrer entre le 2ème et le 1er bataillon : elle s'établit entre nos premières et secondes positions dans une tranchée abandonnée. Les 7è et 8è compagnies de première ligne, se trouvent alors complètement isolées et privées de toute communication extérieure. Par ailleurs, le colonel, qui a demandé le renfort d'un bataillon de chasseurs cyclistes et le soutien d'un groupe de cuirassiers mitrailleurs, donne l'ordre aux compagnies de réserve d'encercler totalement l'ennemi. Ce mouvement est achevé le 13 novembre, et la reddition de la compagnie allemande est obtenue.

Relevé dans la nuit du 19 au 20, le régiment reçoit la récompense de ses merveilleux efforts en lorraine: Une, lettre de la municipalité de Nancy, félicitant et remerciant la 34ème brigade pour sa brillante défense devant Réméréville.

Nous obtenons aussi les deux citations suivantes :

Ordre n° 34, 14 Novembre 1914

« Au moment où les 125ème et 66ème d'infanterie vont quitter les tranchées de Poëlkapelle pour prendre un repos bien gagne, le Général commandant, la 7ème division de cavalerie, qui a eu le grand honneur de les avoir ses ordres, tient à exprimer à leurs chefs, le Colonel Deschamps et le commandant de Villantroys, son admiration et celle de toute sa division pour la vaillance et l'abnégation héroïques dont ces régiments ont fait preuve.

"Constamment victorieux d'un ennemi constamment renouvelé, ils ont repoussé toutes les attaques en infligeant à l'ennemi d'énormes pertes, malgré la fatigue épuisante de trois semaines de séjour dans la tranchée, marquées de combats de jour et de nuit.

« Le 125ème et le 66ème laissant à la 7è division de cavalerie un magnifique exemple qui ne sera jamais oublié ».

« Au P.C. le 14 Novembre »

signé ELY D'OISEL, 9ème Corps d'Armée,

16 Novembre 1914.

La Général commandant le 9ème C.A. cite à l'ordre du Corps d'Armée le 125ème » d'infanterie, pour sa constante belle attitude au feu dans la région de Poëlkapelle, où, après avoir gagné plusieurs kilomètres sur l'ennemi, il a ensuite résisté avec succès de violentes contre attaques, et toujours maintenu les positions conquises en infligeant des pertes considérables à l'ennemi et lui faisant des prisonniers".

signé : Général DUBOIS

FORTUIN - ZONNEBEKE

Après un repos à Vlamertinghe de trois jours seulement, suivis d'une courte période à Fortuin, le 125ème est porté dans le secteur de Zonnebeke. Relevé dans la nuit du 2 au 3 Mars, le régiment cantonne, successivement à Crombeke, Proven et Houtkerque, premier village français, où nous avons un repos véritable...

HOGGIE, ZILLEBW

Le 24 Mars les autos nous ramènent à Ypres, le soir même, nous partons occuper pendant cinq jours le secteur d'Hogge, Zillebeke, à côté des Anglais.

L' ART0IS, 20 avril 1915, 10mars 1916.

Une longue série d'étapes nous amènent en Artois, dans la région de Frévent. Transportés par autos le 19 avril, nous prenons les lignes, le 20, dans le secteur de Roclincourt. Le régiment fait ici connaissance avec la guerre de mines. Nous restons dans ce secteur du 20 Avril au 2 mai sans autre repos que quatre jours passés à Habarcq et Lattre Saint Quentin. Relevé lui même le 2 mai, le 125ème remonte par étapes jusqu'à Vaudricourt et Noeux les Mines, où il arrive le 6, L'offensive de printemps est imminente.

FOSSE 7, LOOS en Gohelles.

8 Mai, nous apprenons que l'attaque est pour le lendemain. Le 9, la canonnade générale commence de fort bonne heure. Tandis qu'elle redouble, vers 10 heures, les compagnies du 114ème d'infanterie, dans un ordre merveilleux, colonel en tête, enlèvent les trois lignes de tranchées allemandes.

Nous arrivons alors, et le 125ème est disposé en soutien pour parer à la contre attaque ennemie.

Le mardi 11 mai le canon recommence à tonner : nous avons remplacé le 114ème en ligne avancée et avons reçu l'ordre d'attaquer pour midi. L'attaque est ensuite repoussée, et à 14 heures seulement nos poilus s'élancent, insouciants, sous la fauchée des mitrailleuses ennemies subitement relevées.

Mais le mouvement n'a pas été soutenu, et le régiment regagne ses positions. La relève est faite la nuit suivante et nous prenons le repos à Noeux les Mines...

FOSSE CALONNE de Liévin.

Dans la nuit du 26, nous montons dans le secteur de Calonne. La droite est tenue par le 1er bataillon de chasseurs à pied, la gauche par le 90ème d'infanterie. Le 26 mai, la canonnade se fait violente, l'ennemi attaque ; mais le terrain est défendu héroïquement par les chasseurs et notre 11ème compagnie.

Le lendemain 29, nous attaquons avant le jour. Une brèche est faite dans un mur pour livrer passage à nos lignes de tirailleurs, mais l'ennemi, de toutes parts, ouvre le feu sur ce coin encore obscur et le but assigné ne peut être atteint. Nous sommes relevé le soir même, et les camions nous transportent dans la région d'Aubigny.

NEUVILLE SAINT VAAST.

Le 5 Juin, le régiment monte occuper le secteur de Neuville Saint Vaast. Le 9, soutenu par le 36ème d'infanterie, 125ème régiment d'infanterie enlève les positions adverses. Hardiment, le 1er bataillon s'élance au chemin des Carrières, tandis que la 5ème compagnie, par un mouvement défilé, réussit à enlever la barricade fortifiée de l'extrémité de ce chemin creux. Le 16, à midi, malgré les barrages intenses, les 9ème, 10ème, 7ème, et 8ème compagnies réussissent à progresser encore. Nous ne somme relevés que le 5 juillet, laissant à notre dernière tranchée conquise le nom de tranché du Colonel Devens »...

MEHARICOURT, WAILLY

La fin du mois d'août, après le repos aux alentours de Clermont, les bataillons tiennent les lignes entre Meharicourt et Lihons. En septembre nous remontons au sud d'Arras, où de Gouy en Artois et Beaumetz les Loges les compagnies vont accomplir chaque nuit, pendant plusieurs semaines, une suite de travaux aux avancées à Wailly, en vue de l'offensive d'automne.

Après six jours tassés aux abords de Doullens, le 125ème remplace en ligne le 68ème dans la nuit du 13 septembre. Le 25, dès le matin, nos batteries font une préparation active, et le 114ème part à l'assaut à 12 heures 45. décimé par les mitrailleuses, il nous laisse place dans la ligne avancée et se retire dans la seconde position.

L'attaque doit reprendre le 26 à 15 heures. La 12ème compagnie arrive au chemin de terre de la côte 103, où parviennent également, un peu plus tard les 5ème et 6ème compagnies. Relevé immédiatement, le chemin de fer nous emporte vers Noeux les Mines d'où le régiment s'en va cantonner aux Brebis.

LOOS - NEUVILLE

Nous reprenons les lignes à Loos le 5 octobre. Les journées des 6 et 7 se passent sans incident. Dans la nuit du 7, les Allemands retirent leurs fils de fer en plusieurs endroits. Le 8, à midi, après un bombardement d'une violence extrême, l'ennemi attaque, essayant d'enlever le village. Le 125ème tient merveilleusement, fermement décidé, comme toujours, à ne pas lâcher pied, vers 18 heures l'attaque est définitivement arrêtée et repoussée.

Nous continuons à tenir ce saillant de Loos jusqu'au 1er janvier, où les autos nous transportent près de Frévent. Vient ensuite le séjour au camp de Saint Riquier, et notre hiver s'achève par une nouvelle période à Neuville Saint Vaast, du 18 février au 10 mars. Les Anglais nous y relèvent, et nous partons au grand repos...

VERDUN. 26 avril - 12 mai 1916.

Après un mois complet passé à Rue, et dans les environs du Crotoy, Queen plage et Fort Mahon, nous embarquons le 14 avril. Débarqués le 16 à Sommeille Hettancourt et Revigny, tous les éléments du régiment se réunissent bientôt à Laheycourt pour se rendre, le 26, à Marat la Grande, Marat la Petite, et Erlze la Grande.

La COTE 304.

L'alerte est subitement donnée, le 5 mai, à 9 heures du matin. Vite, il faut partir.

Les grand autobus nous enlèvent près de Chaumont sur Aisne et nous descendons entre Mercourt et Dombale. Le canon tonne très fort. Nous passons, salués par les obus, par le moulin et ravin d'Esnes, et nous parvenons, quand le jour sa lève, au pied de la cote 304,

La matinée se passe dans un calme relatif, mais bientôt la canonnade reprend effroyable et ininterrompue : toutes les crêtes d'Avocourt, la 304, et le Mort-Homme sont embrasés.

Le 7, le tir reprend avec une intensité effroyable. Quatre cent pièces allemandes battent, nos lignes. A 16 heures, les Allemands attaquant. Notre centre, tenu par des unités du 290ème , se trouve débordé, notre bataillon de droite pris à revers, est bientôt entouré, mais tandis qu'il tient fermement, nos autres bataillons s'élancent à la contre attaque. A 19 heures, l'ennemi est, à son tour, encerclé, prisonnier : La situation est totalement rétablie ; nous sommes maîtres de la cote 304 !

L'on nous relève le 12 mai, sans que l'orage ait cessé sur nos têtes, et nous cantonnons à Jubécourt et à Ville sur Cousance.

AVOCOURT.

Le 18 mai une nouvelle alerte nous fait revenir en ligne, Les 2è et 3ème bataillons soutiennent pendant trois jours, sans grands incidents les contre attaques de la 45è division sur les pentes boisées d'Avocourt.,

Relevé complètement, le 21 mai, la 125ème est déposé dans les faubourgs de Saint Dizier, d'où il embarque pour la Champagne,

Récompense de nos efforts victorieux, le Général commandant la 2è armée cite à l'ordre de l'Armée :

"Le 125ème régiment d'infanterie, qui, le 7 mai 1916, sous la commandement du Lieutenant Colonel Oudy, après avoir supporté un bombardement d'une violence inouïe, a rejeté, par une violente contre attaque un ennemi supérieur on nombre, lui faisant plus de cent, prisonniers.

Le Général Commandant la II ème Armée.

LA BATAILLE DE CHAMPAGNE. 2 juin 26 août 1916

Embarqué, le 25 mai 1916, à Saint-Eulien, le 125ème débarque, le soir même, à Saint Hilaire au Temple.

SUIPPES – AUBERIVE

Le 2 Juin. nous arrivons à Suippes, petite ville en ruine, où la journée se passe sous des rafales d'obus. Le soir, le 1er et le 3è bataillons, ainsi que les 5è et 6è compagnies entrent en secteur en avant de la fameuse épine de Voldegrange, face à Saint Souplet et à Sainte Marie à Py. Les 7ème et 8ème compagnies restent en réserve à la ferme de Piemont.

Le 8 juin, nos emplacements sont pris par la 18ème division et nous sommes relevé pour aller remplacer, le 13 juin, les troupes de la 60ème division à côté, d'Auberive. Du 27 au 30, le 125ème est relevé, compagnie par compagnie, par la première brigade russe de Franco, qui nous succède dans ce secteur.

THUIZY.

Une semaine est passée à Louvercy et Bouy, pendant laquelle nous solennisons d'une façon particulière nos morts et notre victoire de Verdun. Le 6 juillet, le régiment remonte près Thuizy, région des Marquises et de Prosnes., Aucun incident particulier marque cotte période heureuse. Relevés le 18 Juillet. nous stationnons à La Veuve, Saint Hilaire au Temple et Juvigny sur Marne.

TAHURE

Les autos nous emportent aprèsdeux jours de repos, et le 125ème relève le 109ème d'infanterie sur les crêtes ouest de Tahure.

Nous y sommes reçus par des grenades et des torpilles. La 6ème compagnie est fort éprouvée le 25 Juillet, et la 5ème compagnie, qui lui succède, après une violente préparation de ce genre, le 29, est attaquée de nuit par l'ennemi qu'elle repousse violemment.

Tout le mois d'août s'écoule ainsi. Peu avant notre départ, le 25 août, dès le matin, l'ennemi manifeste une agitation inaccoutumée. C'est une avalanche écrasante de torpilles et d'obus sur toutes nos positions et celles du 114ème qui tient notre droite. Nous apprenons, vers 22 heures, quand le calme s'est un peu établi, que les Allemands ont fait un coup de main sur le 114ème.

Notre réponse est toute prête : deux heures plus tard, les divisions de notre gauche font une attaque avec gaz. Puis c'est aussitôt la relève et nous partons pour le camp da Mailly. A Lhuitre, le 125ème passe une quinzaine de jours : c'est une période de grandes manœuvres, exercices préparatoires en vue d'opérations futures.

LA SOMME, 20 octobre fin décembre 1916

Le régiment, parti le 19 septembre 1916 d'Arcis sur Aube, débarque le lendemain à Saint Omer en Chauusée, près de Beauvais. Le 20 Octobre, les autobus nous transportent à la bataille.

MORVAL

De Maricourt et Hardecourt, où nous bivouaquons, à la descente de camions, nous gagnons, le soir, les positions. Le 1er bataillon relève en ligne un bataillon du 32ème en avant de Morval, à hauteur de Lesboeufs ; le 3ème bataillon pousse quelques unités aux lisières de ces villages et laisse les autres au bois des Bouleaux ; le 2ème bataillon bivouaque à la ferme Malz-Horn.

Les bombardements ont ici la même intensité qu'à Verdun, mais il y a des moments de complète accalmie, ce qui n'existait pas à la 304.

Les journées du 21 et du 22 Octobre se passent sans grands incidents. Le 23, une préparation d'attaque est faite par nos batteries. Notre Premier bataillon se lance à l'assaut à 14 heures 30, mais, à peine débouchées, nos fractions sont décimées et arrêtées par la tir des mitrailleuses allemandes Le lendemain, vers 15 heures 30, les Allemands nous saluent d'un barrage nourri, qui se répète les jours suivants.

Le 1er novembre, cependant, après une préparation méthodique, le 125ème régiment d'infanterie attaque à 15 heures 30. L'ennemi, surpris par notre élan, n'a pas le temps cette fois de faire résistance, les objectifs sont atteints et dépassés. Le 2 novembre, la progression, s'achève et se complète par infiltration dans les lignes allemandes, où l'on s'établi à 200 mètres à peu près de la route du Transloy face à Sailly-Saillisel.

SAILLY SAILLISEL

Quand nous remontons en secteur le 9 novembre, c'est alors véritablement l'hiver. La boue est plus épaisse que jamais. De nombreux travaux occupent le temps Une tranquillité relative finit par s'établir en ligne. Le 1er décembre, le régiment est relevé par les troupes anglaises et nous allons au grand repos dans la région de Quevauvillers.

BIACHES SAINT VAAST.

Le 19 janvier 1917, nous nous acheminons vers Biache sur Somme, où nous devions tenir les lignes jusqu'au 1er février. Ce fût un secteur relativement agité, le marmitage d'obus alternant avec celui des torpilles ou les tirs énervants des Mitrailleuses. Nous eûmes toutefois davantage à souffrir des rigueurs de l'hiver glacial que des projectiles ennemis.

L'AISNE 9 avril à fin juillet 1917.

La période qui s'étend du début février au mois d'avril 1917, fut pour nous l'une des plus tourmentées : déplacement à pied, par voie ferrée, par autos.

Entre temps le régiment cantonne au camp de Mailly, où il prend part avec d'autres divisions aux manœuvres préparatoires des batailles qui se dérouleront dans l'Aisne et en Champagne

LOURCY, LOIVRE.

Le 9 avril commence le mouvement qui devait nous acheminer lentement vers les emplacements d'où nous partirons à la poursuite des allemands. Huit jours plus tard, au moment même où se déroulait le premier acte de la grande offensive, nous étions concentré dans le parc de la Ville aux Bois, où nous parvenait déjà l'écho des formidables détonations de l'artillerie. Le soir, nous recevions l'ordre de mouvement qui nous conduisit aux champignonnières de Hermenonville.

Nous avions cru à une guerre de mouvement, mais la guerre de position nous est à nouveau imposée.

Le 19 avril, nous relevons les troupes russes devant le village de Courcy, qu'elles avaient conquis de haute lutte au prix de grosses difficultés et de lourdes pertes. Dans le secteur de Courcy, puis dans celui de Loivre, recommence alors la vie stationnaire avec tout son pénible cortège de corvées de toutes espèces, et de laborieux travaux, d'autant plus qu'il s'agissait de défenses nouvelles à organiser, de fortins à édifier, d'ancien boyaux à remettre en état, d'un front de bataille à rectifier. Une attaque avait été projetée sur la Verrerie, elle fut décommandée une heure avant son exécution,

le 19 mai, nous étions relevés et renvoyés au repos dans la région d'Epernay,

SAPIGNEUL.. COTE 108

Quelques semaines après nous occupions les secteurs de de Sapigneul et de la cote 108 à gauche de Loivre, et au nord est de Berry au Bac.

Nous devions y exercer une vigilance de tous les instants. En face et sous nos pieds l'ennemi accomplissait un travail sournois, creusant de profondes galeries destinées à recevoir les charges d'explosifs prêtes à faire sauter nos positions. Il disposait aussi de nombreux minenwerfers qui vomissaient jour et nuit sur nos tranchés de nombreuses torpilles éclatant avec fracas.

Le coin de la cote 108 en particulier n'était jamais tranquille ; à notre gauche s'engageait une lutte sanglante rappelant celle de Verdun, pour la conquête du plateau de Craonne et du fameux chemin des Dames.

L'ennemi cherchait parfois à tromper notre vigilance... Il du s'apercevoir qu'il n'y avait rien à faire et que bon œil était au guet. Il avait cisaillé le réseau de fil de fer devant le front que gardait notre 3ème compagnie. Après un intervalle de plusieurs heures, il rampait, s'apprêtant à s'élancer d'un seul bon sur nos petits postes, quand nos grenadiers, déjà mis en garde, déclanchèrent un barrage de grenades. Beaucoup d'allemands furent tués ou blessés, les autres durent refluer en désordre vers leurs lignes.

Vers la fin de juillet nous étions remplacés par un autre régiment.

LA LORRAINE août 1917 fin mars 1918

VEHO REILLON EMBERMENIL

Dans les premiers jours d'août 1917, le régiment débarquait à Bayen, sur la terre lorraine qui avait été le théâtre de ses premiers combats. Nous devions y prendre les lignes d'abord devant Veho et Reillon près de Lunéville, puis à Embermenil et dans la forêt de Gouttleine.

FORET DE PARROY

Pendant plus de 4 mois, le 125ème régiment d'infanterie, vigilante et invincible sentinelle, garde, l'arme au bras, ce beau coin de terre française. Dans ce secteur relativement calme nous n'avions cependant pas une vie de tout repos. Prodigieux y fut le travail des hommes en dehors de ces patrouilles, qui, chaque nuit, exploraient les abords immédiats des postes ennemis. Vers la mi-novembre, chaque bataillon eut son « groupe franc » tout spécialement désigné pour tenter des coups de main.

Et certes, l'ardeur que stimulait l'envie d'une capture ne manquait à personne.

« Les Felgrauen » tentèrent à maintes reprises des coups de main sur nos postes ; ils échouèrent chaque fois, sans avoir pu aborder nos lignes.

Dans les premiers jours de janvier, nous abandonnions le secteur pour nous porter par étapes jusqu'aux positions défensives du Grand-Couronné de Nancy, où, pendant deux mois, nous devions consolider les ouvrages de deuxième et troisième ligne, extraire les pierres des carrières, les casser, les étendre sur une route que devait utiliser notre armée.

L'OFFENSIVE ALLEMANDE avril 1918, Méry juin 1918

C'est au cours de nos travaux devant Grand-Couronné que nous surpris la furieuse offensive Allemande de la Michelstag, entre Arras et Saint Quentin, sur Paris.

Quelques jours après cette ruée nous embarquions à Ainvaux, près de Blainville. Débarqués près de Saint Juste en Chaussée, nous sommes tenu en alerte pendant quelque temps aux abords de Hignelay, prêts à être engagés d'un moment à l'autre dans une contre attaque.

Le commandement nous affecte un secteur où plusieurs régiments avaient successivement engagé une lutte héroïque : c'était Grivesnes, hier encore coquet village où régnaient l'ordre et la prospérité, et aujourd'hui champ de ruines !

GRIVESNES.

Le château était toujours resté en notre pouvoir. Nous devions le transformer en un solide bastion, qui abriterait les P.C. et les Postes de Secours, ainsi que des sections de compagnies préposées à sa défense. Des mitrailleuses bien placées à l'entre-sol, achevaient de faire de cet édifice une redoute d'accès difficile à l'assaillant, et cependant nos positions devant le château et à l'est demeuraient critiques, car le parc était presque en totalité au pouvoir de l'ennemi.

Pour donner à notre ligne cette continuité qui lui faisait défaut, il fallait prendre le parc d'assaut et porter notre ligne au delà de sa lisière. Ainsi nous pourrions dominer l'adversaire et observer ses mouvements dans cette immense plaine d'où émergeaient les ruines de Malpart et le Plateau de Bouillancourt.

L'attaque fut fixée pour le 9 mai 1918.

Pendant la matinée et les heures précédant l'opération, nos gros obusiers de 220 et de 155 exécutaient des tirs de destruction sur les ouvrages adverses.

A 16 heures nos pièces effectuaient des tirs de harcèlement sur les posi­tions qu'occupaient les Allemands dans le Parc. Une demi-heure plus tard un déluge de mitraille émanant des canons de tous calibres arrosait les retranchements.

A 17 heures, alignés comme à une manoeuvre, les soldats du 125è régiment d'infanterie bondissaient comme des lions avec un sang-froid et un courage splendides. Personne ne songe à s'arrêter, encore moins à reculer. Au milieu des nuages de fumée, les glorieux survivants de l'Yser et de la côte 304 entraînaient les jeunes de la classe 18, qui recevaient là le baptême du feu. Ils partaient tous on courant fusil en avant, baïonnette au canon, précédés des fusiliers mitrailleurs, dont les armes déchargeait une pluie de balles sur l'ennemi, qui, surpris par notre assaut, se rendait.

L'attaque fort bien menée nous avait rapporté près de 300 prisonniers, plusieurs mitrailleuses, des minenwerfers, ainsi qu'un important matériel. Elle nous avait rendu la totalité du parc en avant duquel une nouvelle tranchée jalonnée par des hommes du génie était aussi tôt établie par nos compagnies qui maniaient avec un calme stoïque la pelle et la pioche sous le feu ennemi. Les commandants de compagnie et les chefs de section, debout dans la plaine, dirigeaient eux-mêmes l'exécution des travaux.

Le lendemain, au petit jour, l'ennemi tentait par trois fois de déboucher du bois de Bouillancourt et du village de Mallpart pour contre-attaquer nos nouvelles positions. Leurs tentatives échouèrent

Une citation à l'ordre de l'Armée, fut un mois après, attribuée au régiment.

ORDRE GENERAL N ° 43

La Général commandant la 1ère armée cite à l'ordre de l'armée :

"Sous les ordres du Lieutenant-colonel Maurel, le 125ème régiment d'infanterie, a, le 9 mai 1918, attaqué après une courte et violente préparation d'artillerie, une position fortement tenue et très solidement organisée. Il s'est élancé à l'assaut avec une ardeur telle que les organisations ennemies furent débordées et leurs mitrailleuses capturées avant d'avoir pu entrer en action.

A atteint en 20 minutes tous les objectifs qui lui avaient été assignés, les a organisés immédiatement, et les a conservés malgré trois contre, attaques.

« A capturé au cours de cette affaire 290 prisonniers, dont 5 officiers, 25 mitrailleuses, 7 ninenwerfer et un important matériel,

Le Général de Division DEBENEY

commandant la lère Armée, le 9 Juin 1918

Cinq semaines plus tard, le régiment se trouvait engagé dans une contre attaque menée par un groupement de divisions placées sous les ordres du. Général MANGIN.

Qui pourrait décrire la manœuvre splendide exécutée par nos troupes sous le feu ennemi ? Du bois de Montgerain, le régiment sort en petites colonnes articulées, qui bientôt animent toute la plaine, d'où elles émergent au dessus des blés encore verts ! Spectacle unique que celui de tous ces soldats qui exécutent avec un ensemble parfait l'ordre du chef sous une grêle d'obus qui éclatent et de balles qui sifflent, vomies des mitrailleuses embusquées dans des trous, tandis que des avions à croix noirs évolueant au dessus de nos têtes.

Suivi de son adjoint et de toute sa liaison; le Colonel marche en tête ouvrant la voie.

Moins de deux heures après, appuyés, par une escadre de tanks qu'éprouve durement l'artillerie ennemie, nous débordons le village de Méry.

A la fin de la soirée, arrêtés dans notre marche, nous prenions nos dispositions pour assurer la défense du village et les positions conquises, pendant que les chars d'assaut achèvent de brûler dans la plaine, en projetant des lueurs sinistres qui colorent l'horizon d'une teinte semblable au sol rougi par le sang d'un grand sombre des nôtres. La nuit est remplie par le sifflement aigu des rafales de mitrailleuses et des claquements de la mitraille.

La réaction des Allemands fut terrible : leurs obus de tous calibres écrasaient nos tranchées et ne cessaient de harceler le village et ses issues.

Le 125 tint bon.

Le lendemain, ce sera fut le début de la grande offensive du général MANGIN, qui devait déterminer la retraite ininterrompue des Allemands jusqu'au jour de leur demande d'armistice le 11 novembre 1918.

Mais la guerre de mon père s'était arrêtée la veille, dans un trou d'obus, à Mery, le 11 juin 1918...

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Maurice NONET
Dernière modification le : January 31 2007 19:12:32.
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