Vivre à 20 ans une guerre perdue

LA DROLE DE GUERRE

Rassuré par son pacte commercial avec Staline, Hitler s'était donc rué sur la Pologne.

Le 9, soit huit jours plus tard, Varsovie était menacée. Le 16, la ville était assiégée.

Ce sera le moment où les Soviétiques choisiront intervenir à leur tour pour la curée. C'en était fait du pays de Chopin.

Le 28, à Moscou, Hitler et Staline se partageront le pays. Il disparaîtra de la carte de l'Europe, sans que ni la France ni l'Angleterre, en dépit de leurs engagements formels, n’aient levé le petit doigt !

Chez nous, on avait d’abord constaté l'attitude scandaleuse du Parti Communiste qui avait eu l'audace d’approuver l’alliance soviéto-germanique, puis la fuite de son premier secrétaire, Maurice Thorez, qui n'avait pas hésité à déserter dès les premiers jours de la guerre, pour se réfugier à Moscou !

Sur mer, en dépit de la domination navale franco-anglaise, ce sont les sous-marins ennemis qui remportent les succès les plus spectaculaires. En coulant par exemple, dix heures après l'ouverture des hostilités, le paquebot britannique “ Athéna ”. Puis en posant en Mer du Nord des mines sous-marines diaboliques qui explosent spontanément grâce à un dispositif magnétique. Enfin en torpillant le cuirassé anglais “ Royal Oak ” de trente mille tonnes !

Fin novembre, l'U.R.S.S. attaque la Finlande sans même lui déclarer la guerre, tandis qu’elle assure ses positions sur les pays baltes.

Hitler, dans la brasserie de Munich, “ Bürger Braukeller ”, où il venait de prononcer un discours, échappe à un attentat !

Enfin un succès pour la Royal Navy : Repéré par les petits croiseurs Exeter et Ajax, l’orgueilleux cuirassé allemand “ Graf von Spee ” doit se saborder en rade de Montevideo en Argentine.

Paris chante:
Il pleut dans ma chambre...
La valse au village...
Félicie, aussi... avec Fernandel
Sérénade sans espoir...

Au cinéma, Sacha Guitry propose: “ Ils étaient neuf célibataires ” ; Marcel Carné: “ Le jour se lève ” ; John Ford: “ La chevauchée fantastique ” .


Depuis le mois de novembre, ma mère m'écrit tous les jours : Elle a rejoint mon père à Toulouse où ils ont loué un appartement meublé. Puisqu'il n'y a pas de véritable guerre, je saisis au travers de ses missives qu'elle ne comprend pas que nous soyons encore séparés, la raison principale de mon départ ayant disparu. Donc, elle souhaite que je la rejoigne. Elle s'ennuie de moi...

N'y tenant plus, fin décembre, elle débarque à Houlgate pour me récupérer. Elle a tout prévu, y compris mon embauche à un poste intéressant aux Pétroles du Languedoc de Toulouse qui utilisent le matériel Hollerith, et qui recherchent un démarreur averti.

Je me languis à Houlgate en dépit de l'amour de Mme G…. Je comprends aussi que mon souhait de départ est avorté, et que je vais retomber sous la coupe, affectueuse, mais stérilisante pour moi, de ma mère.

Le retour à Toulouse de l'enfant prodigue sera sans gloire, et à l'ombre de son affectueuse attention, ma vie conditionnée de fils attentionné va reprendre son cours.

Heureusement, la compagnie des brunes jeunes filles toulousaines travaillant dans mon service, vont égayer quelque peu mes soirées d'hiver. Mais je constaterai bien vite qu’en province, et notamment le sud ouest, la moralité des jeunes filles est nettement plus rigoureuse qu’à Paris.

L’une d’elles pourtant – de cinq ans mon aînée - me sera particulièrement chère, au prix d’une conquête laborieuse par comparaison aux facilités que j'avais connues à Houlgate où il y avait dix jeunes femmes pour un seul homme. Cette liaison sera relativement durable. J'en conclurai que les jeunes filles me convenaient mieux que les femmes mariées.

Elle s’appelait Suzanne… Puisqu’il n’y avait pas vraiment de guerre, elle me fit passer agréablement le début de l’année 1940. En fin de semaine, nous allions danser de langoureux tangos :

- “Sous - les - amandiers du jardin...

et sur la mélodie de la nostalgique chanson de Rina Ketty :

“ Violetta, chère idole...

qui me rappelait le dernier après-midi d'aviron sur la Seine, juste avant la déclaration de guerre.


Mais cela ne me distrayait pas d’un nouveau scénario que j'ourdissais en vue d'un second départ familial, grâce à la complicité de la Direction d'Hollerith...

En effet, celle-ci satisfaite de ma jeune compétence, me proposait un poste honorifique à Bordeaux, aux Aciéries de Rombas en Lorraine, repliées sur les rives de la Gironde. Usine toute nouvelle, installée à proximité des quais de son port, qui lui permettait un approvisionnement en charbon et minerais venus d'outre-mer.

Présenté à mes parents comme une condition nécessaire à ma promotion professionnelle, mon départ pour cette ville se fera sans trop de difficultés ni de pleurs, en avril 1940.

Orages désirés, était-ce le bon départ ?

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Maurice NONET
Dernière modification le : March 02 2007 13:46:15.
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