Vivre à 20 ans une guerre perdue

LA GRANDE FRAYEUR DE FIN 1944...

L’hiver 1944 sera particulièrement froid et neigeux. Pourtant l’armée américaine du fougueux général Patton, audacieusement avancée, a enfoncé la ligne de fortifications allemande “ Siegfrid ”, et maintenant menace la Sarre ! L’optimisme règne.

Soudain, dans cette atmosphère d’espoir et de victoire, le 16 décembre, dans la neige et le couvert des sapins de la forêt ardennaise belge, se déclenche une formidable contre offensive nazie, totalement imprévue tant son secret a été rigoureusement gardé !

Son ambition est d’isoler les troupes de Patton, et de contraindre ensuite les Anglais à évacuer le port d’Anvers - vital pour les alliés - et d’abandonner toute la Belgique !

Toutes les troupes d’élite y compris des divisions S.S., tout le matériel dont disposent encore les allemands sur le front de l’ouest, ainsi que ses escadres de blindés ultra modernes sortis des usines souterraines d’outre Rhin - notamment les redoutables chars “ Tigre ” qui surclassent les chars “ Sherman ” et dont l’un d’eux en Normandie a allumé à lui seul près de deux cents de ses adversaires ! - tous les avions d’assaut et de chasse encore disponibles, ont été transférés sur ordre express d’Hitler dans ce secteur crucial.

Les conditions météo sont exceptionnellement favorables aux allemands : nuages et brouillard immobilisent et rendent aveugle la chasse et les bombardiers alliés.

Le front est enfoncé... La masse des panzers fonce plein ouest, atteignant la ville belge de Bastogne à la sortie des Ardennes... Au delà, la route de la plaine est libre, une fois encore, jusqu’au littoral de la mer du Nord et de la Manche !

Un frison d’angoisse étreint le nord de la France. Le brouillard persistant, les nouvelles les plus alarmistes se répandent comme une traînée de poudre.

Il serait question, au quartier général d’Eisenhower, d’un repli stratégique sur la Seine, et par conséquent de l’abandon à l’ennemi de toute la Belgique et des départements du Nord et du Pas de Calais !

Un début de panique s’empare des populations. Encore quarante huit heures de mauvaises nouvelles, et un nouvel exode, semblable à celui de mai 1940, jettera sur les routes vers le sud, des masses affolées...

Miracle, au deuxième mois de l’offensive allemande, brume et nuages bas disparaissent subitement du ciel...


Il se trouve justement qu’une voiture de la Société Escaut et Meuse est venue me prendre pour une mission ponctuelle de quelques heures, ce mardi 22 février...

Dans la soirée, un chauffeur me reconduit à Liévin, en passant par Prouvy, là où se situe un important aérodrome militaire U.S. créé en novembre sur des terres betteravières... Pistes d’atterrissages et « car-ways » d’accès constituées par de larges plaques d’acier alvéolées déroulées comme d’immenses tapis métalliques sur des dizaines de kilomètres, dont j'avais remarqué le matin, l'inactivité totale en raison de cet épais brouillard qui persistait depuis la mi décembre. Mais ce soir, le ciel s’est complètement dégagé.

Alors une vision incroyable s'offre alors à mes yeux : Toute la campagne autour de Prouvy est illuminée par des dizaines de milliers de lumières et de projecteurs !

Du haut d'une côte, je peux voir approcher de l'aérodrome un double fleuve de camions G.M.C. à boggie, tous phares allumés, pare-choc contre pare-choc. Double chenille lumineuse interminable, jusqu'à l'horizon. Camions lourdement chargés de bombes de toutes tailles et de toutes formes. Noria surréaliste. Ondes sonores surpuissantes de dizaines de milliers de moteurs tournant à plein régime !

Mais le spectacle le plus extraordinaire est celui des deux pistes de l'aérodrome, véritables routes du ciel, ruisselantes de clarté ! Les avions décollent et atterrissent comme circulent les camions G. M. C., selon un rythme parfaitement synchronisé et avec un maximum d’efficacité.

A terre, des milliers de fourmis humaines se déplacent montés sur d'étranges engins plats motorisés qui se glissent sous le ventre des avions pour fixer les bombes, entre les bombardiers, tandis que d'énormes semi-remorques citernes de carburant les encadrent. Quelques minutes plus tard, l'appareil reprend sa place vers la piste d'envol !

Monstrueux vacarme des milliers de moteurs des énormes superforteresses volantes... Vision dantesque de la toute puissance en matériel et en organisation de l’armée américaine !

Je me rend compte que depuis le moment où le ciel est redevenu limpide après tant de semaines de brouillard constant, toute la force aérienne des alliés est maintenant déchaînée pour stopper l’offensive allemande sous les coups de marteau pilon de ses bombardements massifs !

Quel contraste, en quelques heures, à la suite de l’évolution de l’état du ciel !

Aucun doute, le sort de la bataille des Ardennes, va basculer !


En effet, le 26 février, les forces américaines, après le réveil de la toute puissance de leurs forces aériennes, ont réussi leur percée des lignes allemandes, et la ville de Bastogne n’est plus encerclée !

-“Je suis rudement content de vous voir !

dira le défenseur de Bastogne, le général Mc Auliffe, au premier bataillon d’assaut arrivé au secours des assiégés. Son laconisme était devenu légendaire depuis qu'à l’ultimatum allemand aux premiers jours du siège, il avait simplement répondu :

-« Nuts! (“ Des noix! ”).


Cette ville de Bastogne, à cent cinquante kilomètres de Bruxelles, à la fin du haut plateau des Ardennes, était devenue un point stratégique, tant pour les Alliés que pour les Allemands.

L'offensive allemande avait été déclenchée le 16 décembre. A la veille de Noël, la ville était complètement encerclée, principalement par les “ Panzer grenadiers ” du général von Manteuffel. Il y avait à Bastogne 14.177 soldats et 1019 officiers américains, appartenant pour la plupart à la 101 ième. division aéroportée.

La neige incessante, le temps couvert et un épais brouillard persistants avaient empêché pendant plusieurs semaines, tous secours aériens.

Par ailleurs, les Allemands avaient utilisé de perfides subterfuges pour semer la confusion dans les rangs américains : Ils avaient infiltré certains de leurs soldats parlant anglais, et portant des uniformes pris sur des prisonniers, dans les positions américaines... Ce qui avait contraint les G.I. à se méfier des uns des autres...

Dans la hâte de rompre les lignes américaines, et de se porter en avant le plus vite possible, le haut état major nazi avait donné l’ordre de ne faire aucun prisonniers. Ceux ci, allongés sur le sol sous la menace des mitrailleuses, seront écrasés sous les chenilles des chars d’assaut conduits par des S.S. !

Aujourd'hui, un véritable pont aérien s'organise pour libérer la ville...

Hélas, cette bataille aura sans doute été la plus meurtrière de toute la guerre pour les forces US. On estime en effet qu'une dizaine de millier de G.I. sont morts à Bastogne même, et trois mille environ dans les combats autour de la ville.

Mais cette victoire américaine sera déterminante pour la suite de la guerre.

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Maurice NONET
Dernière modification le : March 02 2007 13:51:25.
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