Donc, ce vendredi du 26 mars 1942, j'ai rendez-vous, très tôt le matin dans la région de Valenciennes, avec la Direction d'une importante usine métallurgique en bordure de l'Escaut.
Elle emploie deux mille ouvriers. Sa vocation consiste à fabriquer des tubes sans soudure qui doivent équiper tous les types de chaudière à vapeur, depuis la locomotive mobile agricole, jusqu'aux plus puissantes génératrices à vapeur des unités de la marine, des centrales thermiques, des usines, enfin toutes les locomotives à vapeur de la S.N.C.F…. J'espère bien que l'on me fera visiter les ateliers.
De Douai à Valenciennes, il y a une quarantaine de kilomètres, mais il faut compter deux heures de train. Je dois prendre celui de 6 h 05. Comme j'habite loin de la gare, j'ai prévu de me réveiller à 5 heures. Je remarque sur la page précédente de mon calepin la mention “ V. R. 21 h ”, témoin d'un rendez-vous galant... J'ai donc dû dormir cinq heures et demie au maximum cette nuit là.
Je me suis réveillé cependant grâce au dispositif sonore “ Jazz, assiette monnaie sur tablette de verre ”, et fais sans tarder chauffer mon café sur mon petit réchaud à alcool.
Café ? Plus exactement un mélange noirâtre à base d’orge grillé auquel il a bien fallu que je m’habitue en ces temps de pénurie. J'y ajoute un comprimé de saccharine en guise de sucre.
Puis j'enduis d’une seule fine couche de confiture les deux tranches de ma ration matinale de pain au son, compact et gris. En même temps, je fais une toilette strictement hygiénique en utilisant l’eau d’un broc émaillé que j'ai posé la veille sur le radiateur qui assure à peine dix degrés de température à mon studio.
Le savon, à base d'argile, est râpeux comme une poignée de sable. Celui “ à barbe ” permet tout juste à la lame du rasoir de ne pas m’arracher la peau, car les lames de l'époque n'ont rien à voir avec la “douceur Gilette” de celles d’aujourd’hui... Les meilleures, de la marque “ Le Coq ”, doivent être affûtées sur la paume de la main puis, alternativement une face après l'autre, contre le verre du miroir... La brosse à dents, en sanglier noir, me déchire les gencives à peine rendues glissantes par un d’ersatz de dentifrice en forme de pain rond et rose.
Je me bagarre avec ma tignasse, aux cheveux épais agrémentés d'épis particulièrement rebelles. En les mouillant abondamment et en les enduisant de « gomina », j'arrive à en devenir maître.
Comme je ne peux me présenter à la Direction d'Escaut et Meuse en chauds brodequins, ni avec une double paire de chaussettes car il fait encore très froid, je mets dans ma grosse serviette de cuir, mes chaussures basses de ville. J'enfile mon pardessus, mes gants, m'enveloppe le cou dans un gros cache-nez tricoté à la main par ma mère. Puis je complète mon équipage par mon chapeau, ma serviette de documents et mon précieux parapluie. Et, “ hardi petit ! ”, je me mets en route : Il me reste vingt minutes pour faire les deux kilomètres qui me séparent de la gare.
Dehors, il fait encore nuit. La ville est vide, endormie. Le froid vif me pince le visage. Comme chaque jour, à pareille heure je croiserai deux fois la patrouille allemande précédée du martèlement cadencé de ses lourdes bottes. Patrouille encadrée par deux sous officiers casqués et armés. Sons et vision inoubliables, symboles quotidiens de la présence de l'occupant.
Ce matin, sur un ordre guttural, elle s'arrête à ma hauteur. Le sous officier m'éblouit de la lumière de sa lampe électrique.
-“ Papieres !
Je tends mon “ Ausweiss ” orange, et ma carte d'identité. La lumière quitte mon visage pour parcourir soigneusement documents et photos. Nouveau flash dans les yeux. L'allemand me rend mes papiers. Nouvel ordre guttural :
-“ Rauss !
La patrouille s'éloigne avec son bruit de bottes, absorbée par la nuit. Je n'ai pas vu le visage du sous-officier, seulement sa plaque de la Feld-Gendarmerie en baudrier sur sa poitrine, ainsi qu'un pistolet mitrailleur, chargeur en quart de cercle engagé, rappel humiliant de notre subordination. Je reprends ma marche, au rythme des chasseurs alpins, pour ne pas manquer mon train.
La gare de Douai n'est toujours pas reconstruite, seuls quelques bâtiments de fortune ont été installés. Il y a déjà une foule frileuse, sombre et maussade, qui attend sur les quais sans abris balayés par un vent humide d'ouest.
Chance, mon train est déjà là. Je le connais bien. Il est constitué de vieux wagons des années 1910, type semi métallique, bois et tôle, sortis des cimetières des matériels réformés de la S.N.C.F…. Caractérisés par des compartiments individuels ayant chacun leur portière à verrou. Je remonte le convoi à la recherche de l'unique voiture de première classe.
C'était autrefois, - en 1910 - un très beau wagon aux banquettes et coussins confortables, rose et bordeaux, accoudoirs et repose-tête recouverts d'une garniture de dentelle blanche aux armes de la Compagnie des Chemins de Fer du Nord. Mais en cette année 1942, tout est vétuste, décoloré et sent le moisi.
Il fait glacial. Un maigre chauffage sera mis en route quand la locomotive aura été attelée, grâce à des radiateurs à vapeur disposés sous les sièges. La lumière viendra quand le convoi roulera, grâce à une dynamo fixée sous chaque wagon, actionnée par une courroie de cuir entraînée par les roues.
Le jour qui blanchit peu à peu le paysage, révèle l'activité ferroviaire. En dehors de la desserte locale par train ouvrier, peu de vrais voyageurs : Les trains de grande ligne sont rares, car les longs déplacements sont subordonnés à une demande d’autorisation délivrée par la Kommandantur. Les quais sont arpentés par des soldats, fusil à la bretelle, casqués, imperturbables dans leur longue capote feldgraü. Et toujours ce bruit de bottes martelant le sol...
Si le trafic voyageurs est très peu conséquent, celui des trains de marchandises est intense. Mes yeux d'ancien cheminot discernent de très nombreux convois allemands, aux wagons de marchandises plus longs que nos habituels “ chevaux, 8 - hommes, 32 ”. Ils sont tractés par de puissantes et modernes “ décapodes ” allemandes de type 250, frappées de la croix gammée.
A l'évidence, ces trains n'ont pas Paris ou le Sud de la France pour destination ! Pas plus que des convois entiers de wagons citernes sur boggie, en provenance des usines d'essence synthétique de Liévin et Mazingarbe...
Mais l'activité essentielle du réseau de triage de Douai, est celle du charbon. A perte de vue, sur des voies parallèles, d'interminables files de wagons, de tous types et de toutes capacités, à déchargement automatique, de dix à quarante tonnes, ridelles et boggies, sont manœuvrées par d'antiques locomotives à vapeur dont certaines ont plus de cinquante ans d’âge, véritables pièces de musée !
Où sont donc passées nos splendides locomotives, orgueil de tous les cheminots, les “ Pacifics ”, les “ Mountains ”? La réponse est facile. Comme l'est celle de la destination de tous ces wagons : Les bureaux d'achats allemands drainent vers le Reich, la quasi-totalité de la production industrielle française !
Car c'est une évidence, bon gré mal gré, toute la France travaille et produit, sans enthousiasme ni zèle peut être, mais sans un seul chômeur ni un seul gréviste, pour l'occupant !
Ce détournement de la production industrielle nationale explique la vétusté du matériel utilisé en France. Nulle part, dans les rues, sur les chantiers, dans les usines, dans la vie de tous les jours, on ne voit des engins neufs. Qu'il s'agisse de voitures automobiles, de camions, ou de postes de radio. Dans les entreprises industrielles que j'ai pu visiter, toutes les machines-outils datent au moins de vingt cinq ans.
Nous avons été littéralement, et méthodiquement, pillés, saigné à blanc !
Tandis que je m'abandonne à ces sombres constatations, le train traverse avec une lenteur d'omnibus, le riche borinage du Nord : Puits de mine, corons, centrales électriques, usines. Densité économique considérable. A eux seuls, les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais, pèsent le cinquième de la puissance de la France ! Je comprends la décision allemande de les inclure à la zone rattachée à Bruxelles, et en fait annexées au Grand Reich.
A partir de Raismes, à dix kilomètres de Valenciennes, la couleur du paysage change. Noire dans tout le borinage, - à croire que la suie et la poussière de charbon ont imprégné la terre, noirci les façades, - maintenant c'est la rouille, l'oxyde de fer, vomis à longueur d'année par les milliers de hautes cheminées des centaines de hauts fourneaux depuis plus d'un siècle, qui colorent en rouge l'environnement.
Valenciennes et la vallée de l'Escaut sont la terre d'élection de la métallurgie lourde, situées à mi-chemin des mines de charbon du Nord et du minerai de fer de l'est lorrain.
La gare de Valenciennes, belle et majestueuse construction de pierre et brique style ferroviaire fin XIX nième siècle, est miraculeusement intacte. J'ai remballé les dossiers que j'ai potassés pendant les deux heures du trajet.
Frigorifié, je me précipite au buffet pour avaler un breuvage noirâtre et sans goût mais chaud, et ce que je peux obtenir à manger sans ticket : Une sorte de galette à base de carottes, farine de seigle et, dit-on, de fine sciure de bois... C'est vaguement sucré, très compact, mais ça tient au ventre !
J'attaque, bravant les froides giboulées, les trois kilomètres que j'ai à parcourir à pied sur les dix qui me séparent du siège de l’usine. Tous les ponts ont été détruits, remplacés par des passerelles de bois construites par le Génie allemand et réservées en priorité au trafic militaire.
La gendarmerie nazie filtre et contrôle parfois les papiers des civils, silhouettes sombres et soumises. Au-delà, à Anzin, je retrouve un ancien tramway qui se traîne jusqu'à la frontière belge de Condé-sur-Escaut, et s’arrête à proximité de ma destination : Les Grands Bureaux d’Escault et Meuse.
Il est temps de retirer mes grosses chaussettes et brodequins qui disparaissent avec mon cache-nez dans ma grande serviette. D'enfiler mes chaussures basses.
La majesté des lieux me rappelle ceux des Mines de Lens. Une fois franchie l'imposant portail du hall, une chaleur confortable est aussitôt perceptible : On est dans un autre monde, luxueux, préservé. Quelle richesse ! Comme dans toutes les grandes entreprises et compagnies que je visiterai par la suite, fabriques, métallurgie, textile, et banques ! Quel contraste avec l'extérieur où nous est constamment rappelé notre pauvreté et de la précarité de notre situation !
Mon correspondant m'attend. De la grande fenêtre de son bureau on voit toute l'étendue des ateliers construits de part et d'autre de l'Escaut, large rivière aux eaux noires, encombrée de péniches. Les rives sont parcourues par un réseau de dessertes ferroviaires longeant des bâtiments hérissés de la centaine des cheminées des fours “ Bessemer ”, qui déversent des torrents de fumée rougeâtre. Domaine du feu et de l'acier.
A la pause de midi, je me rends dans le petit restaurant que m'a conseillé mon interlocuteur. Mon aspect cossu (chapeau, parapluie, serviette) fait bonne impression quand je demanderai s’il y a autre chose que le menu officiel avec tickets.
On me fait alors entrer dans une pièce, genre modeste salle à manger d'employé. Quatre tables, dont trois sont déjà occupées. Le repas est simple, mais copieux. Je dévore tout, peau et gras, laissant mon assiette aussi propre que si elle sortait du buffet. Je ramasse soigneusement mes miettes de pain, car je sais que ce sera le meilleur repas de ma journée.
A cette époque d’extrême pénurie, la voisine de table idéale n'est pas une belle jeune femme, mais une bonne vieille dame âgée et sans appétit, à laquelle on peut demander poliment :
-“ Vous ne finissez pas votre plat, Madame, ni votre pain ?
La bonne grand’mère, songeant sans doute à ses affamés de petits enfants, donnera avec plaisir et un bon sourire, une partie de son repas.
Avant de quitter le restaurant, je demande, pensant à mon maigre dîner du soir, une portion de pain supplémentaire dont je vante la qualité :
-“ Normal, me répond mon hôte, c'est ma femme qui le fabrique avec de la farine blanche, et le cuit dans le four de sa cuisinière...
Pendant la durée de mon repas, j’ai pu entendre les informations sur Radio Paris, la seule autorisée dans les lieux publics.
L'éditorial est consacré à un bombardement en banlieue parisienne, à Boulogne Billancourt, « aveugle et assassin », perpétré par les bombardiers de notre ancienne alliée, l’Angleterre ! Six cent trente civils massacrés ! Ensuite, un autre journaliste évoque la nuisance des juifs en France, leur oisiveté, leur parasitisme. L'annonce de leur prochain déplacement vers des camps de travail, où ils pourront enfin se rendre utiles...
Je reprends mon travail dès 14 heures. Il consiste à étudier l'établissement du prix de revient main-d’œuvre par machines à statistiques Bull. Pour mieux me faire comprendre le système des primes à la production, mon correspondant me propose de nous rendre sur place, aux ateliers de la “ production acier ”.
C'était mon souhait ! Chaque étude me permettait de pénétrer au cœur des usines, me donnant ainsi l'occasion de découvrir à chaque fois un monde nouveau. Cela me passionnait.
Après avoir revêtu une épaisse cote de toile et d’amiante, chaussé des sortes de sabots, nous entrons dans ce qui me semble être l'antichambre de l'enfer : Vacarme assourdissant, rougeoiement aveuglant, intensité de la chaleur... Je pense aussitôt au tableau de Jérôme Bosch représentant le Jugement Dernier, où les damnés se tordent de douleur dans les flammes de l'enfer...
A vingt mètres de la gueule des fours, la chaleur me paraît insoutenable. Pourtant, tout près, des silhouettes sombres s'agitent dans un ballet dantesque, maniant des perches de fer longues de cinq mètres. Par moments, un torrent incandescent, rouge orange vif, s'échappe de l'un des fours, vers des outres suspendues à des chaînes et manœuvrées par des hommes à l'aide de grandes tenailles.
Plus loin, de gigantesques marteaux-pilons de plus de trente mètres de haut écrasent d’énormes lingots lumineux, projetant à chaque coup un véritable feu d'artifice d'étincelles, et ébranlant puissamment le sol.
Vus de près, tous les ouvriers qui travaillent dans cet enfer semblent très vieux. Mais à la lumière du jour, on voit qu'ils ne sont que prématurément vieillis : Trente-cinq ans, et déjà des cheveux blancs et le teint blême... La tuberculose fait des ravages dans ces poumons brûlés par le feu.
Passionné, je ne vois pas les heures passer... Or mon dernier train part à 18 h 45 ! Heureusement, grâce à une voiture de la Société - une Renault flambant neuve, construite justement à Boulogne-Billancourt qui venait d'être la cible des superforteresses anglaises - je peux arriver à temps à la gare de Valenciennes.
Privilège des premières classes dont la hauteur du prix réduit le nombre des voyageurs, je peu m'installer pour mettre en ordre mes notes de la journée et préparer un diagramme d'organisation. En m'éloignant de la ville, je contemple au travers de la vitre cette industrieuse vallée de l'Escaut éclairée par les énormes hauts fourneaux dont la lueur rouge peut illuminer de ciel jusqu'à mille mètres alentour sous le plafond des nuages... Par temps clair, quelle cible idéale pour les bombardiers de la R.A.F. !
Il est 20 h 30. Après avoir revêtu ma tenue “ anti-froid ”, j'attaque les deux derniers kilomètres qui me séparent de mon domicile à l'allure des chevaux de labour en fin de journée, et qui sentent l'avoine… Pour moi, c’est plutôt celle des rillettes de lapin...
Rillettes de lapin ? Eh bien oui ! Et grâce à ma mère qui a eu la bonne idée de faire un élevage de ces braves petites bêtes à Draveil... Elle les convertit - après qu’un voisin les ait tuées (mes parents seraient incapables de le faire) - en rillettes savoureuses et grasses, d'excellente conservation.
C’est la base de mes repas du soir depuis une dizaine de mois. Plat que je mâche longuement, pour me donner une impression de quantité.
Peut-on comprendre, dans l’extrême abondance de notre société actuelle, où la mode est au régime hypocalorique, qu'à cette époque, la seule idée d'un poulet rôti ou d’une tablette de chocolat, me rendait malade de concupiscence? Que la moitié des conversations d’alors, avaient pour sujet les repas plantureux d'avant guerre ?
Ce soir mes rillettes seront d'autant meilleures que les tranches de pain que j'ai rapportées, sont particulièrement savoureuses. Il n'en restera pas beaucoup pour mon petit déjeuner du lendemain, tant pis, j'ai tellement faim !
Ensuite, devant la glace, je vérifie que je suis présentable, car ce soir, comme la veille, je suis de sortie ! J'ai rendez-vous avec la jeune dame Yvette R. que j'ai rencontrée chez ma logeuse lors de mon anniversaire précédent. C'est mon amour douaisien du moment.
Yvette habite une dizaine de maisons plus loin. Elle est mariée, mais son mari est prisonnier. Avantages de la guerre, pour des raisons de défense passive, toutes les habitations communiquent entre elles par les greniers ou les jardins. Discrètement, je peux donc rejoindre son appartement, , sans avoir à redouter la rencontre d'une patrouille, ni les indiscrétions des voisines vigilantes...
Pendant ce très court trajet, j'ai le temps d'observer le ciel... Il s'illumine tout entier à intervalles réguliers, vers l'ouest, d’éclairs rouges instantanés : Les Allemands ont installé d'énormes pièces d'artillerie sur voie ferrée pour bombarder les côtes anglaises, depuis les carrières de la région de Saint Omer...
Mon amante m'attend, ainsi qu'une petite douceur sucrée à mon intention que j’apprécie infiniment. J'oublie la guerre en ressentant la douce chaleur de son corps, et je l'entraîne dans sa chambre. D'une main, elle glisse la photo d'un homme en tenue militaire dans un tiroir de la table de nuit, où il retrouve un thermomètre médical, une bougie, une boîte d'allumettes, et un pot de crème pour la nuit. Au moins, “ il ” ne verra rien... Mais il reprendra sa place aussitôt après mon départ.
Quand je rentre chez moi, vers une heure du matin, bien que je fasse le moins de bruit possible, j'entends le “ clic ” de l'interrupteur du premier étage, celui de ma propriétaire... Sa voix forte et sympathique m'interpelle :
-“ Monsieur Maurice, Londres vient d'annoncer qu'un commando anglais a débarqué à Saint-Nazaire !
Malgré l'énormité de la nouvelle, je m'écroule sur mon lit et plonge aussitôt dans un sommeil de marbre.
Ainsi s'est déroulée une journée ordinaire, au temps de l’occupation allemande, un certain vendredi, le 26 mars 1942...
Le lendemain, repensant à Saint Nazaire, je me précipite aux nouvelles à la Chambre des Houillères. Mes amis ont suivi les informations sur la radio Londres. Ils m'expliquent : Il ne s'agissait en fait que d'une opération ponctuelle, destinée à dynamiter les portes de la grande écluse de Saint-Nazaire, dont le port était devenu le repère des U. Boots engagés dans la lutte sous-marine contre les convois alliés dans l'Atlantique...
Ce ne fut qu’un demi succès. Car si l’objectif qui consistait à rendre inutilisable pour longtemps ce refuge pour sous- marins sera bien atteint, par contre, la vigueur de la réaction allemande a été telle qu’aucun des assaillants ne pourra regagner l’Angleterre, massacrés sur les plages, ou faits prisonniers.
La propagande nazie aura beau jeu de célébrer l’affaire, pour stigmatiser l’efficacité de ses défenses contre toutes tentatives de débarquement !